Éloge à la jeune fille
Magistrats ! dévouez aux épouses vos arcs triomphaux. Enjambez les routes avec la louange des veuves obstinées. Usez du ciment, du faux marbre et de la boue séchée pour dresser les mérites de ces dames respectables, — c’est votre emploi.
Je garde le mien qui est d’offrir à une autre un léger tribut de paroles, une arche de buée dans les yeux, un palais trouble dansant au son du cœur de la mer.
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Ceci est réservé à la seule Jeune Fille. A celle à qui tous les maris du monde sont promis, — mais qui n’en tient pas encore.
À celle dont les cheveux libres tombent en arrière, sans emplois, sans fidélité, et les sourcils ont l’odeur de la mousse.
À celle qui a des seins et qui n’allaite pas ; un cœur et n’aime pas ; un ventre pour les fécondités, mais décemment demeure stérile.
À celle riche de tout ce qui viendra ; qui va tout choisir, tout recevoir, tout enfanter peut-être.
À celle qui, prête à donner ses lèvres à la tasse des épousailles, tremble un peu, ne sait que dire, consent à boire, — et n’a pas encore bu.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
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