Elle était pâle, et pourtant rose
Elle était pâle, et pourtant rose,
Petite avec de grands cheveux.
Elle disait souvent : Je n’ose,
Et ne disait jamais : Je veux.Le soir, elle prenait ma Bible
Pour y faire épeler sa sœur,
Et, comme une lampe paisible,
Elle éclairait ce jeune cœur.Sur le saint livre que j’admire,
Leurs yeux purs venaient se fixer ;
Livre où l’une apprenait à lire,
Où l’autre apprenait à penser !Sur l’enfant, qui n’eût pas lu seule,
Elle penchait son front charmant,
Et l’on aurait dit une aïeule
Tant elle parlait doucement !Elle lui disait : —Sois bien sage ! -
Sans jamais nommer le démon ;
Leurs mains erraient de page en page
Sur Moïse et sur Salomon,Sur Cyrus qui vint de la Perse,
Sur Moloch et Leviathan,
Sur l’enfer que Jésus traverse,
Sur l’éden où rampe Satan !Moi, j’écoutais… — O joie immense
De voir la sœur près de la sœur !
Mes yeux s’enivraient en silence
De cette ineffable douceur.Et dans la chambre humble et déserte
Où nous sentions, cachés tous trois,
Entrer par la fenêtre ouverte
Les souffles des nuits et des bois,Tandis que, dans le texte auguste,
Leurs cœurs, lisant avec ferveur,
Puisaient le beau, le vrai, le juste,
Il me semblait, à moi, rêveur,Entendre chanter des louanges
Autour de nous, comme au saint lieu,
Et voir sous les doigts de ces anges
Tressaillir le livre de Dieu !Octobre 1846.
Poème préféré des membres
verlaine2017 et JuCharline83 ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.
Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
- Approchez-vous. Ceci, c'est le tas des...
- L'histoire a pour égout des temps comme les...
- Le Progrès calme et fort, et toujours...
- Quand l'eunuque régnait à côté du césar
- A un qui veut se détacher
- Pasteurs et troupeaux
- Ce serait une erreur de croire que ces choses
- Ainsi les plus abjects, les plus vils, les...
- Ô Robert, un conseil. Ayez l'air moins...
- A propos de la loi Faider
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire