Elizir d’Amor
Tu ne me veux pas en rêve,
Tu m’auras en cauchemar !
T’écorchant au vif, sans trêve,
– Pour moi… pour l’amour de l’art.– Ouvre : je passerai vite,
Les nuits sont courtes, l’été…
Mais ma musique est maudite,
Maudite en l’éternité !J’assourdirai les recluses,
Éreintant à coups de pieux,
Les Neuf et les autres Muses…
Et qui n’en iront que mieux !…Répéterai tous mes rôles
Borgnes – et d’aveugle aussi…
D’ordinaire tous ces drôles
Ont assez bon oeil ici :– À genoux, haut Cavalier,
À pied, traînant ma rapière,
Je baise dans la poussière
Les traces de Ton soulier !– Je viens, Pèlerin austère,
Capucin et Troubadour,
Dire mon bout de rosaire
Sur la viole d’amour.– Bachelier de Salamanque,
Le plus simple et le dernier…
Ce fonds jamais ne me manque :
– Tout voeux ! et pas un denier ! –– Retapeur de casseroles,
Sale Gitan vagabond,
Je claque des castagnoles
Et chatouille le jambon…– Pas-de-loup, loup sur la face,
Moi chien-loup maraudeur,
J’erre en offrant de ma race :
– Pur-Don-Juan-du-Commandeur. –Maîtresse peut me connaître,
Chien parmi les chiens perdus :
Abeilard n’est pas mon maître,
Alcibiade non plus !
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Tristan CORBIERE
Édouard-Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, né le 18 juillet 1845 au manoir de Coat-Congar à Morlaix (Finistère) et mort le 1er mars 1875 à Morlaix, est un poète français. Il est né de l’union d’Édouard Corbière et d’Angélique Aspasie Puyo que 33 ans séparent : à sa naissance, son père est âgé de... [Lire la suite]
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