Édit funéraire
Moi l’Empereur ordonne ma sépulture : cette montagne hospitalière, le champ qu’elle entoure est heureux. Le vent et l’eau dans les veines de la terre et les plaines du vent sont propices ici. Ce tombeau agréable sera le mien.
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Barrez donc la vallée entière d’une arche quintuple : tout ce qui passe est ennobli.
Étendez la longue allée honorifique : — des bêtes ; des monstres ; des hommes.
Levez là-bas le haut fort crénelé. Percez le trou solide au plein du mont.
Ma demeure est forte. J’y pénètre. M’y voici. Et refermez la porte, et maçonnez l’espace devant elle. Murez le chemin aux vivants.
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Je suis sans désir de retour, sans regrets, sans hâte et sans haleine. Je n’étouffe pas. Je ne gémis point. Je règne avec douceur et mon palais noir est plaisant.
Certes la mort est plaisante et noble et douce. La mort est fort habitable. J’habite dans la mort et m’y complais.
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Cependant, laissez vivre, là, ce petit village paysan. Je veux humer la fumée qu’ils allument dans le soir.
Et j’écouterai des paroles.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Le Chien et les Raisins
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Moi, le Chien de Sinople, et Seigneur de la Vigne,
Je suis gardien des fruits dont fermente le sang :
Sur chaque abeille d’or luit, de sable, mon signe
Qui veut dire « impérial », en d’autres mots, « puissant ».
Le chemin de la vigne est une route en terre ;
Quand il y passe un homme, un boeuf ou un cheval,
Je lance un aboiement. Je ne peux pas me taire,
Homme, boeuf et cheval trouvent cela normal.
Plus loin, les paysans échangent des paroles,
Pour annoncer quel jour ils saigneront le porc
Ou mettront le grand coq dans une casserole ;
Ils auront soin de moi, tant que j’aboierai fort.
Démon de vigne
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Près de de Saint-Émilion vit un démon de vigne ;
Il voudrait qu’une fois, le vin devînt son sang,
Mais il a beau vouloir, il n’en voit aucun signe.
Son don de magicien n’est pas assez puissant.
Il a versé le jus dans une cruche en terre ;
A pris la vitamine à dose de cheval,
A demandé au vent de bien vouloir se taire,
Mais rien ne sort de là, ça fait du vin normal.
Prononçant à nouveau les magiques paroles,
Il joint à la mixture un peu de sang de porc
Qu il a tiédi au feu, dans une casserole.
Ce fils de charpentier, grogne-t-il,est trop fort.