Discours à Madame de La Sablière
Désormais que ma Muse, aussi bien que mes jours,
Touche de son déclin l’inévitable cours,
Et que de ma raison le flambeau va s’éteindre,
Irai-je en consumer les restes à me plaindre,
Et, prodigue d’un temps par la Parque attendu,
Le perdre à regretter celui que j’ai perdu ?
Si le Ciel me réserve encor quelque étincelle
Du feu dont je brillais en ma saison nouvelle,
Je la dois employer, suffisamment instruit
Que le plus beau couchant est voisin de la nuit.
Le temps marche toujours ; ni force, ni prière,
Sacrifices ni voeux, n’allongent la carrière :
Il faudrait ménager ce qu’on va nous ravir.
Mais qui vois-je que vous sagement s’en servir ?
Si quelques-uns l’ont fait, je ne suis pas du nombre ;
Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre :
J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens ;
Les pensers amusants, les vagues entretiens,
Vains enfants du loisir, délices chimériques ;
Les romans, et le jeu, peste des républiques,
Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits,
Ridicule fureur qui se moque des lois ;
Cent autres passions, des sages condamnées,
Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années.
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