Dimanches (C’est l’automne)
C’est l’automne, l’automne, l’automne,
Le grand vent et toute sa séquelle
De représailles! et de musiques!…
Rideaux tirés, clôture annuelle,
Chute des feuilles, des Antigones, des Philomèles :
Mon fossoyeur, Alas poor Yorick !
Les remue à la pelle!…Vivent l’Amour et les feux de paille!…
Les Jeunes Filles inviolables et frêles
Descendent vers la petite chapelle
Dont les chimériques cloches
Du joli joli dimanche
Hygiéniquement et élégamment les appellent.Comme tout se fait propre autour d’elles !
Comme tout en est dimanche!Comme on se fait dur et boudeur à leur approche!…
Ah! moi, je demeure l’Ours Blanc!
Je suis venu par ces banquises .
Plus pures que les communiantes en blanc…
Moi, je ne vais pas à l’église,
Moi, je suis le Grand Chancelier de l’Analyse,
Qu’on se le dise.Pourtant, pourtant!. Qu’est-ce que c’est que cette anémie ?
Voyons, confiez vos chagrins. à votre vieil ami…Vraiment! Vraiment!
Ah! Je me tourné vers la mer, les éléments
Et tout ce qui n’a plus que les noirs grognements!Oh! que c’est sacré!
Et qu’il y faut de grandes veillées!Pauvre, pauvre,’ sous couleur d’attraits!…
Et nous, et nous,
Ivres, ivres, avant qu’émerveillés…
Qu’émerveillés et à genoux!…Et voyez comme on tremble
Au premier grand soir
Que tout pousse au désespoir
D’en mourir ensemble!Ô merveille qu’on n’a su que cacher!
Si pauvre et si brûlante et si martyre!
Et qu’on n’ose toucher
Qu’à l’aveugle, en divin délire!Ô merveille,
Reste cachée idéale violette,
L’Univers te veille,
Les générations de planètes te tettent,
De funérailles en relevailles!…Oh, que c’est plus haut
Que ce Dieu et que la Pensée!
Et rien qu’avec ces chers yeux en haut,
Tout inconscients et couleurs de pensée!…
Si frêle, si frêle!
Et tout le mortel foyer
Tout, tout ce foyer en elle!…Oh, pardonnez-lui si, malgré elle,
Et cela tant lui sied,
Parfois ses prunelles clignent un peu
Pour vous demander un peu
De vous apitoyer un peu!Ô frêle, frêle et toujours prête
Pour ces messes dont on a fait un jeu
Penche, penche ta chère tête, va,
Regarde les grappes des premiers lilas,
Il ne s’agit pas de conquêtes, avec moi,
Mais d’au-delà!Oh! puissions-nous quitter la vie
Ensemble dès cette Grand’messe,
Écœurés de notre espèce
Qui bâille assouvie
Dès le parvis!…
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Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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