Poème 'Désir d’infini' de Jean RICHEPIN dans 'Les Blasphèmes'

Désir d’infini

Jean RICHEPIN
Recueil : "Les Blasphèmes"

Tous, l’amant qui dans un baiser verse son âme,
Le grand lis qui jaillit vers le soleil levant,
L’oiseau de mer qui plane et se soûle de vent,
Le martyr qui se jette en chantant dans la flamme,

Le cerf qui, fou de rut, vers les étoiles brame,
Le lion accroupi dans sa cage et rêvant,
Le poète assoiffé de rythme, le savant
Qui dans l’obscur coït d’un problème se pâme,

Tous, un pareil désir, souvent à leur insu,
Les travaille, et, toujours pareillement déçu,
Il demeure quand même à jamais implacable.

Ô désir d’infini, malgré tout persistant!
Hélas ! il nous soutient autant qu’il nous accable.
On en meurt, et la vie en est faite pourtant.

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Commentaires

  1. L'infini ne tient pas dans une petite âme.
    Tu peux, sans te lasser, voir le soleil levant,
    T'imprégner de la mer et t'enivrer du vent,
    Te glacer dans les monts, te rôtir à la flamme,

    T'exclamer comme un coq ou comme un cerf qui brame,
    T'asseoir dans un fauteuil ou marcher en rêvant,
    Tu peux lire jusqu'à devenir un savant,
    Tu peux même rimer des sonnets et des drames,

    Mais tu n'atteindras pas (et tu l'as toujours su)
    Le seuil de l'infini. Or, n'en sois point déçu,
    Et ne te montre pas à toi-même implacable,

    Puisque l'espoir en toi est ferme, et persistant.
    Il ne convient donc point qu'un songe ne t'accable...

    -- Je sais bien. Je sais bien... Et je souffre, pourtant.

  2. magnifique! Richepin au 19 eme siècle comme Brassend au 20eme a su, sans le chercher, modifier inconsciemment la mentalité de notre peuple

  3. Un ambicerf en quête d’infini
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    L’ambicerf court en poursuivant son âme,
    Il suit sa voie vers le soleil levant ;
    Lui qui s’enivre en écoutant le vent,
    Il court toujours, son coeur n’est qu’une flamme.

    Puis il s’arrête, et noblement il brame,
    Ou bien se tait, méditant et rêvant ;
    C’est un sportif, ce n’est pas un savant,
    D’aucune intrigue il ne connaît la trame.

    Il sera seul, comme il l’a toujours su,
    Mais il l’accepte, il n’en est pas déçu,
    Il ne craint point le trépas implacable.

    Dieu bénira don effort persistant,
    Aucun danger que la vie ne l’accable ;
    Il le sait bien, mais il tremble, pourtant.

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