De la fleur d’amour et des chevaux migrateurs
Il était dans la forêt une fleur immense qui risquait
de faire mourir d’amour tous les arbres
Tous les arbres l’aimaient
Les chênes vers minuit devenaient reptiles et rampaient jusqu’à sa sa tige
Les frênes et les peupliers se courbaient vers sa corolle
Les fougères jaunissaient dans sa terre.
Et telle elle était radieuse plus que l’amour nocturne de la mer et de la lune
Plus pâle que les grands volcans éteints de cet astre
Plus triste et nostalgique que le sable qui se dessèche
et se mouille au gré des flots
Je parle de la fleur de la forêt et non des tours
Je parle de la fleur de la forêt et non de mon amour
Et si telle trop pâle et nostalgique et adorable
aimée des arbres et des fougères
elle retient mon souffle sur les lèvres
c’est que nous sommes de même essence
Je l’ai rencontrée un jour
Je parle de la fleur et non des arbres
Dans la forêt frémissante où je passais
Salut papillon qui mourut dans sa corolle
Et toi fougère pourrissante mon cœur
Et vous mes yeux fougères presque charbon presque flamme presque flot
Je parle en vain de la fleur mais de moi
Les fougères ont jauni sur le sol devenu pareil à la lune
Semblable le temps précis à l’agonie perdue entre un bleuet
et une rose et encore une perle
Le ciel n’est pas si clos
Un homme surgit qui dit son nom devant lequel s’ouvrent
les portes un chrysanthème à la boutonnière
C’est de la fleur immobile que je parle
et non des ports de l’aventure et de la solitude
Les arbres un à un moururent autour de la fleur
Qui se nourrissait de leur mort pourrissante
Et c’est pourquoi la plaine devint semblable à la pulpe des fruits
Pourquoi les villes surgirent
Une rivière à mes pieds se love et reste à ma merci
ficelle de la salutation des images
Un cœur quelque part s’arrête de battre et la fleur se dresse
C’est la fleur dont l’odeur triomphe du temps
La fleur qui d’elle-même a révélé son existence aux plaines dénudées
pareilles à la lune à la mer
et à l’aride atmosphère des cœurs douloureux
Une pince de homard bien rouge reste à côté de la marmite
Le soleil projette l’ombre de la bougie et de la flamme
La fleur se dresse avec orgueil dans un ciel de fable
Vos ongles mes amies sont pareils à ses pétales et roses comme eux
La forêt murmurante en bas se déploie
Un cœur qui comme une source tarie
Il n’est plus temps il n’est plus temps d’aimer
vous qui passez sur la route
La fleur de la forêt dont je conte l’histoire est un chrysanthème
Les arbres sont morts les champs ont verdi les villes sont apparues
Les grands chevaux migrateurs piaffent dans leurs écuries lointaines
Bientôt les grands chevaux migrateurs partent
Les villes regardent passer leur troupeau dans les rues
dont le pavé résonne au choc de leurs sabots et parfois étincelle
Les champs sont bouleversés par cette cavalcade
Eux la queue traînant dans la poussière
et les naseaux fumants passent devant la fleur
Longtemps se prolongent leurs ombres
Mais que sont-ils devenus les chevaux migrateurs
dont la robe tachetée était un gage de détresse
Parfois on trouve un fossile étrange en creusant la terre
C’est un de leurs fers
La fleur qui les vit fleurit encore sans tache ni faiblesse
Les feuilles poussent au long de sa tige
Les fougères s’enflamment et se penchent aux fenêtres des maisons
Mais les arbres que sont-ils devenus
La fleur pourquoi fleurit-elle
Volcans ! ô volcans !
Le ciel s’écroule
Je pense à très loin au plus profond de moi
Les temps abolis sont pareils aux ongles brisés sur les portes closes
Quand dans les campagnes un paysan va mourir entouré
des fruits mûrs de l’arrière-saison du bruit du givre
qui se craquelle sur les vitres de l’ennui flétri fané
comme les bluets du gazon
Surgissent les chevaux migrateurs
Quand un voyageur s’égare dans les feux follets plus crevassés
que le front des vieillards et qu’il se couche dans le terrain mouvant
Surgissent les chevaux migrateurs
Quand une fille se couche nue au pied d’un bouleau et attend
Surgissent les chevaux migrateurs
Ils apparaissent dans un galop de flacons brisés et d’armoires grinçantes
Ils disparaissent dans un creux
Nulle selle n’a flétri leur échine et leur croupe luisante reflète le ciel
Ils passent éclaboussant les murs fraîchement recrépis
Et le givre craquant les fruits mûrs les fleurs effeuillées croupissante
le terrain mou des marécages qui se modèlent lentement
Voient passer les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
Bonjours, je souhaiterai savoir de quoi parle la première partie de ce poème. S'agit-il d'un poème racontant les étapes de se rencontre avec la femme aimée.
Merci d'avance
Douzième vers :
*
« Je parle de la fleur de la forêt et non de mon amour »
*
(de la poésie, et pas d'une femme).
Il ne parle donc pas de la femme aimée mais de son amour pour la poésie?
Voir ici :
*
http://tinyurl.com/c7k93xq
Merci Beaucoup, cela va m'être d'une grande aide.
Moi aussi j'aurai une question:
"Les arbres un à un moururent autour de la fleur
Qui se nourrissait de leur mort pourrissante
Et c’est pourquoi la plaine devint semblable à la pulpe des fruits
Pourquoi les villes surgirent
Une rivière à mes pieds se love et reste à ma merci
ficelle de la salutation des images"
Comment peut on interpréter ça?
La fleur est souvent chez Desnos une passion involontairement cruelle.
Voir par exemple
http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/de-la-rose-de-marbre-a-la-rose-de-fer
et donc, la fleur qui tue les arbres, c'est la passion qui transforme la vie de façon effrayante; l'absence d'arbres permet l'apparition de villes et d'une rivière, qui symbolisent le côté constructif de l'amour (les maisons de la ville) et son côté capricieux (la rivière au cours indécis comme la courbe d'une ficelle).
"Salutation des images" veut dire "célébration des métaphores", qui sont le matériau de prédilection de Robert.
"Je parle en vain de la fleur mais de moi"
Peut-on m'expliquer ce vers ?
"de moi" = "de ma passion" ; "de la fleur" = "par une métaphore" ;
"en vain" = "vainement", car les gens
ne comprennent pas les métaphores.
Merci, c'est plus clair maintenant.
Sagesse du tournesol
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Le tournesol le sait, le soleil va partir
Et, pour toute une nuit, rejoindre une autre rive ;
Puis l’horizon de l’Est le verra revenir
Et caresser la fleur de sa lumière vive.
Moi-même, je ressemble à cette fleur pensive
Qui songe calmement à son proche avenir ;
Recevant avec joie le soleil qui arrive
Et ne craignant jamais le temps de s’endormir.
Du tournesol, la lune est une autre maîtresse,
Un astre bienveillant qui prouva sa noblesse
Par l’accueil qu’elle fit aux hommes désarmés.
De lune et de soleil tournesol est aimé,
Même s’il a perdu sa première jeunesse,
Et s’il sait qu’il devra bientôt se refermer.
Fleur d’impermanence
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Fleur magnifique à voir à la fin de l’été,
Que nous ne verrons plus au temps de la froidure ;
Ainsi disparaîtra ce que l’homme a planté,
Qui s’occupe parois d’embellir la nature.
Or, l’herbe qui l’entoure et pousse en liberté
Souffre aussi de l’hiver, et guère plus ne dure ;
Tel qui chante au matin doit au soir déchanter,
C’est même une leçon, c’est dans les Écritures.
Les objets ravissants, qui sont impermanents,
Je les vois s’effacer sous un ciel peu clément ;
Et perdre aussi leur goût les choses savoureuses.
Quand un prince a vieilli, qui le trouve charmant ?
Qui attend de sa part des actions valeureuses ?
En vain rêve de lui la Belle au bois dormant.
Fleur d’un royaume barbare
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Loin des jardins pousse la fleur,
Dans la plus sinistre des landes ;
De la cueillir nous avons peur,
Même si le Roi le demande.
J’ignore quelle est sa valeur,
Mais je suppose qu’elle est grande ;
Car elle a pour admirateurs
Des anges qui du ciel descendent
Vais-je l’offrir à la princesse ?
Ça pourrait fâcher son amant,
Il me punirait durement.
Fleur, là où tu es je te laisse ;
Mais prends garde au Prince Charmant,
À ce séducteur de drôlesses.