Croquis de cloître
I
Dans un pesant repos d’après-midi vermeil,
Les stalles en vieux chêne éteint sont alignées,
Et le jour traversant les fenêtres ignées
Etale, au fond du choeur, des nattes de soleil.Et les moines dans leurs coules toutes les mêmes,
- Mêmes plis sur leur manche et mêmes sur leur froc,
Même raideur et même attitude de roc -
Sont là debout, muets, plantés sur deux rangs blêmes.Et l’on s’attend à voir leurs gestes arrêtés
Se prolonger soudain et les versets chantés
Rompre, à tonnantes voix, ces silences qui pèsent ;Mais rien ne bouge, au long du sombre mur qui fuit,
Et les heures s’en vont, par le couvent, sans bruit,
Et toujours et toujours les grands moines se taisent.II
A pleine voix – midi s’exaltant au dehors
Et les champs reposant – les nones sont chantées,
Dans un balancement de phrases répétées
Et hantantes, comme un rappel de grands remords.Et peu à peu les chants prennent de tels essors,
Les antiennes sont sur de tels vols portées
A travers l’ouragan des notes exaltées,
Que tremblent les vitraux, au fond des corridors.Le jour tombe en draps clairs et blancs par les fenêtres ;
On dirait voir pendus de grands manteaux de prêtres
A des clous de soleil. Mais soudain, lentement,Les moines dans le choeur taisent leurs mélodies
Et, pendant le repos entre deux psalmodies,
Il vient de la campagne un lointain meuglement.III
En automne, dans la douceur des mois pâlis,
Quand les heures d’après-midi tissent leurs mailles,
Au vestiaire, où les moines, en blancs surplis,
Rentrent se dévêtir pour aller aux semailles,Les coules restent pendre à l’abandon. Leur plis
Solennellement droits descendent des murailles,
Comme des tuyaux d’orgue et des faisceaux de lys,
Et les derniers soleils les tachent de médailles.Elles luisent ainsi sous la splendeur du jour,
Le drap pénétré d’or, d’encens et d’orgueil lourd,
Mais quand s’éteint au loin la diurne lumière,Mystiquement, dans les obscurités des nuits,
Elles tombent, le long des patères de buis,
Comme un affaissement d’ardeur et de prière.IV
Le choeur, alors qu’il est sombre et dévotieux,
Et qu’un recueillement sur les choses s’embrume,
Conserve encor dans l’air que l’encens bleu parfume
Comme un frisson épars des hymnes spacieux.La gravité des longs versets sentencieux
Reste debout comme un marteau sur une enclume,
Et l’antienne du jour, plus blanche que l’écume,
Remue encor son aile au mur silencieux.On les entend frémir et vibrer en son âme ;
C’est à leur frôlement que vacille la flamme
Devant le tabernacle, – et que les saints sculptésGardent, près des piliers, leurs poses extatiques,
Comme s’ils entendaient toujours les grands cantiques
Autour de leur prière en sourdine chantés.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
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- Si d'autres fleurs décorent la maison
- La glycine est fanée et morte est...
- Le clair jardin c'est la santé
- S'il était vrai
La tour des moines
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C’est un étroit logis de pierre,
Maison de la Communauté ;
Nulle féminine beauté
Ne réside en cette tanière.
Au cellier sont des fûts de bière,
Nous aimons ça mieux que du thé ;
Heureux de boire et de chanter,
Nous sommes chercheurs de lumière.
Quand le chant du coq nous éveille,
Notre âme à nouveau s’émerveille ;
De saintes choses sont dans l’air.
Nous sourions à nos icônes
Qui sont une plaisante faune ;
Elles portent bonheur, c’est clair.