Poème 'Coucou' de Robert DESNOS dans 'Les Sans Cou'

Coucou

Robert DESNOS
Recueil : "Les Sans Cou"

Tout était comme dans une image enfantine.
La lune avait un chapeau claque dont les huit reflets se répercutaient à la surface des étangs,
Un revenant dans un linceul de la meilleure coupe
Fumait un cigare à la fenêtre de son logis,
Au dernier étage d’un donjon
Où la très savante corneille disait la bonne aventure aux chats.
Il y avait l’enfant en chemise perdue dans des sentiers de neige
Pour avoir cherché dans ses souliers l’éventail de soie et les chaussures à hauts talons.
Il y avait l’incendie sur lequel, immenses,
Se détachaient les ombres des pompiers,
Mais, surtout, il y avait le voleur courant, un grand sac sur le dos,
Sur la route blanchie par la lune,
Escorté par les abois des chiens dans les villages endormis
Et le caquet des poules éveillées en sursaut.
Je ne suis pas riche, dit le fantôme en secouant la cendre de son cigare, je ne suis pas riche
Mais je parie cent francs
Qu’il ira loin s’il continue.
Vanité tout n’est que vanité, répondit la corneille.
Et ta sœur ? demandèrent les chats.
Ma sœur a de beaux bijoux et de belles araignées
Dans son château de nuit. Une foule innombrable de serviteurs
Viennent chaque soir la porter dans son lit.
Au réveil, elle a du nanan, du chiendent, et une petite trompette
Pour souffler dedans
La lune posa son chapeau haut de forme sur la terre.
Et cela fit une nuit épaisse
Où le revenant fondit comme un morceau de sucre dans du café.
Le voleur chercha longtemps son chemin perdu
Et finit par s’endormir
Et il ne resta plus au-delà de la terre
Qu’un ciel bleu fumée où la lune s’épongeait le front
Et l’enfant perdue qui marchait dans les étoiles.
Voici ton bel éventail
Et tes souliers de bal,
Le corset de ta grand-mère
Et du rouge pour tes lèvres
Tu peux danser parmi les étoiles
Tu peux danser devant les belles dames
À travers les massifs de roses célestes
Dont l’une tombe chaque nuit
Pour récompenser le dormeur qui a fait le plus beau rêve.
Chausse tes souliers et lace ton corset
Mets une de ces roses à ton corsage
Et du rose à tes lèvres
Et maintenant balance ton éventail
Pour qu’il y ait encore sur la terre
Des nuits après les jours
Des jours après les nuits.

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Commentaires

  1. Prisme lunaire
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    La lune, comme un prisme, altère les rayons
    Qui viennent du cosmos, et nous nous distrayons
    À contempler ces jeux de couleurs insolites
    Dans le soir traversé de lourds aérolithes.

    Les animaux marins entourent le donjon
    Pour entendre parler l'empereur des pigeons ;
    Un grand catoblépas, par la suite, interprète
    Un air du Moyen Âge, à grands coups de trompette.

    La tortue de sinople agite un éventail
    Pour insuffler la vie au sombre épouvantail ;
    S'emparant d'une plume, il s'empresse d'écrire
    Au dos d'un vieux bouquin, ces trois quatrains pour rire.

  2. Donjon des confins
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    La salle est éclairée par quatre candélabres,
    Où nous dormons, lisons, bavardons et mangeons ;
    À partir vivre ailleurs jamais nous ne songeons,
    Même si du donjon l’atmosphère est macabre.

    Dans notre armurerie s’empoussièrent les sabres,
    Jamais en en un combat nous ne nous engageons ;
    Les corvées d’entretien, nous nous en déchargeons,
    Nous n’intervenons point sur ce qui se délabre.

    Maigres sont, cette année, les vendanges d’octobre,
    Mais cette pénurie ne nous rendra pas sobres ;
    Nous aurons d’autres vins dans nos coupes d’argent.

    Et qu’importe, après tout, que ce lieu soit lugubre,
    Que trouble soit son eau et son air insalubre ?
    Rien ne nous servirait d’être trop exigeants.

  3. Oiseau des confins
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    Mon vol est un pur glissement,
    Je plane en gardant le sourire ;
    Je chante mieux qu’un oiseau-lyre,
    Mon âme ignore les tourments.

    Je me pose légèrement
    Près d’une oiselle qui m’admire ;
    J’ai deux ou trois mots à lui dire,
    Qui sont pour elle un agrément.

    Je vis au Pays des Merveilles ;
    Soit que je dorme ou que je veille,
    Je suis environné d’amour.

    Les chemins sont jonchés de roses,
    J’écris en vers et parle en prose ;
    Ce sont de futiles discours.

  4. Modeste logis
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    Sans se fatiguer, les maçons
    Nous ont bâti ce domicile ;
    Cela fut pour eux très facile,
    Un bricolage à leur façon.

    Les saisons viennent et s’en vont,
    Je suis de plus en plus fragile ;
    Adam vers sa native argile
    Est retourné, nous le savons.

    La demeure aussi devient frêle,
    Mais ce n’est pas triste pour elle
    Qui point ne craint de trépasser.

    L’été brûlant, l’hiver glacé,
    Nos écrits peuvent s’effacer ;
    Surviendront des plumes nouvelles.

  5. Logis discret
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    Rien de spécial ne le désigne,
    Cet édifice suranné ;
    Rien qui puisse nous étonner,
    Rien qui d’un poème soit digne.

    J’écris pourtant ces quelques lignes,
    Sur un thème indéterminé ;
    J’écris, je me laisse entraîner
    Comme une grive dans les vignes.

    Je ne dirai rien d’étonnant ;
    Sous la lumière du Ponant
    Je contemplerai ma terrasse.

    J’aime ce coin peu fréquenté,
    Ce modeste manoir hanté
    Par d’illisibles paperasses.

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