Conte
Un Prince était vexé de ne s’être employé jamais qu’à la perfection des générosités vulgaires. Il prévoyait d’étonnantes révolutions de l’amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l’heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait au moins un assez large pouvoir humain.
Toutes les femmes qui l’avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté ! Sous le sabre, elles le bénirent. Il n’en commanda point de nouvelles. — Les femmes réapparurent.
Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. — Tous le suivaient.
Il s’amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. — La foule, les toits d’or, les belles bêtes existaient encore.
Peut-on s’extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! Le peuple ne murmura pas. Personne n’offrit le concours de ses vues.
Un soir il galopait fièrement. Un Génie apparut, d’une beauté ineffable, inavouable même. De sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d’un amour multiple et complexe ! d’un bonheur indicible, insupportable même ! Le Prince et le Génie s’anéantirent probablement dans la santé essentielle. Comment n’auraient-ils pas pu en mourir ? Ensemble donc ils moururent.
Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince.
La musique savante manque à notre désir.
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Arthur RIMBAUD
Arthur Rimbaud (Jean Nicolas Arthur Rimbaud) est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville, dans les Ardennes, et mort le 10 novembre 1891 à l’hôpital de la Conception à Marseille. Lycéen brillant et poète précoce, Arthur Rimbaud excelle dans les compositions latines, parmi lesquelles on trouve ses plus... [Lire la suite]
Un prince a recherché les triomphes barbares,
Mais il a constaté qu’il n’en résultait rien.
La rencontre, pourtant, d’un démon aérien
Le plongea, pour un temps, dans une extase rare.
Tels des oiseaux de mer se tuant sur un phare,
Le prince et le démon périrent, corps et biens.
Cette fable pour dire (et retenez-le bien)
Que le bonheur produit la mort, sans crier gare.
Arthur, nous admirons ton talent de conteur
Et nous sommes bien loin d’atteindre tes hauteurs ;
Mais nous sommes moins durs, dans nos vers et nos proses.
Dans nos rimes, le prince a de plus doux plaisirs ;
S’il meurt, ce n’est que pour davantage s’offrir
À la contemplation de son unique rose.
Poisson de Tchoukovski
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Voici pour nos enfants des animaux barbares,
Les petits renardeaux ne se refusent rien ;
Ils ont même entrepris un voyage aérien
Et brûlé beaucoup d’eau, ce qui est plutôt rare.
Les pompiers sont venus avec leur gyrophare,
Ils versent des croissants, ça marche à moitié bien ;
L’auteur joue sur les mots, ainsi qu’un oulipien,
Dans mainte phrase on voit des mots qui se bagarrent.
Tchoukovski est un sage, un poète, un conteur,
Son humour bien souvent plane dans les hauteurs ;
Plusieurs commentateurs lui consacrent leur prose.
Je crois qu’il écrivit surtout pour le plaisir ;
De ses nombreux lecteurs il charma les loisirs,
Bien plus que le latin qu’on trouve aux pages roses.
Fleur de rien
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Je pousse en un pays barbare,
Les gens m’appellent « fleur de rien » ;
Ce ne sont que des Béotiens,
Quand je les entends, je me marre.
Le vent survient sans crier gare,
Lui qui ne nous veut pas de bien ;
Moi, je conserve un fier maintien,
Mes feuilles jamais ne s’égarent.
Je n’ai guère de prédateurs ;
Ils affirment, ces malfaiteurs,
Qu’au vrai, je ne sens pas la rose.
Peu de soucis, peu de plaisirs ;
Ici, mon principal désir,
C’est qu’une fraîche ondée m’arrose.