Conseil
Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.Dès l’heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les plus rudes.
Va devant toi, baisé par l’air des solitudes,
Comme une biche en pleurs qu’on effaroucherait.Cueille la fleur agreste au bord du précipice.
Regarde l’antre affreux que le lierre tapisse
Et le vol des oiseaux dans les chênes touffus.Marche et prête l’oreille en tes sauvages courses ;
Car tout le bois frémit, plein de rhythmes confus,
Et la Muse aux beaux yeux chante dans l’eau des sources.Juillet 1842.
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Théodore de BANVILLE
Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du... [Lire la suite]
Deux anachorètes
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On trouvait un ermite à l'est de la forêt :
Sa poésie planait dans la grande altitude,
Tout en gardant du vers les nobles servitudes ;
Patient artisanat, que l'homme savourait.
Un autre solitaire au ponant discourait ;
Mais il mettait au jour des poèmes plus rudes
Que lui dictait sa longue et fière solitude,
Poèmes de combat que l'ermite arborait.
Un prêtre interrogea les dieux de la justice
Pour voir si les deux vieux n'usaient de maléfices.
Les deux dieux, se cachant dans des buissons touffus,
Écoutèrent chacun l'un de nos deux rhapsodes.
-- Non-lieu, dit le premier, c'est juste un obscur code.
-- Pareil, dit le second, c'est juste un bruit confus.
Sagesse de Piaf d’Azur
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Son ermitage à lui s’appelle une forêt,
Car ce n’est nullement un oiseau d’altitude;
Il songe, loin de peine et loin de servitude,
Sans jamais trop user de son charme discret.
Il vit dans le sous-bois que Merlin parcourait,
Il a des souvenirs de cette époque rude ;
En ce temps-là régnait un dieu de solitude
Lequel, de temps en temps, ses enfants dévorait.
Qui gouverne à présent? Est-ce un dieu de justice ?
Peut-être vivons-nous un temps de maléfices,
D’indétermination, de malaise diffus,
Or, Piaf d’Azur se tait, lui qui fut un rhapsode,
Car du monde réel il a perdu le code,
Il ne peut que grogner comme un cochon confus.
Ermitage oublié
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Ici demeure un solitaire
Depuis d’innombrables saisons ;
La tour qui lui sert de maison
Oublie son passé militaire.
La vie et ici sans mystère,
Pas d’aventure à l’horizon ;
Temps de sagesse et de raison,
Mais sans que les jours soient austères.
Indifférent à l’univers,
L’anachorète en son hiver
Dans aucun projet ne s’implique.
S’il médite, c’est pour lui seul,
Ce doux vieillard mélancolique ;
Les Parques tissent son linceul.
Feuille oubliée
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Je suis la feuille solitaire
De je ne sais quelle saison ;
Auprès d’une vieille maison
Je me repose sur la terre.
Que fais-je ici ? C’est un mystère,
C’est un chemin sans horizon ;
C’est un défi pour ma raison,
Cela n’a rien d’élémentaire.
Ce beau jardin, c’est l’univers
Où j’ai dormi tout un hiver,
On est vraiment loin des tropiques.
Un insecte parle tout seul :
Il dit qu’à l’instant fatidique
Il fera de moi son linceul.