Poème 'Concurrence' de Théodore de BANVILLE dans 'Sonnailles et Clochettes'

Concurrence

Théodore de BANVILLE
Recueil : "Sonnailles et Clochettes"

Là-haut gronde un orage.
Le soleil plein de rage
Semble s’extasier
Dans un brasier.

Le turbulent tonnerre
Célèbre un centenaire
Au milieu des éclairs
Ardents et clairs.

A quelle oeuvre inconnue
Travaillent dans la nue
Les Chérubins riants
Des Orients?

Ces faiseurs de poëmes
Ouvrent, comme nous-mêmes,
Une Exposition
Dans leur Sion.

On y vient du nocturne
Sirius, de Saturne,
De Vénus tout en feu
Dans l’azur bleu,

Et de l’ombre où fulgure,
Détachant sa figure
Dans l’éther de safran,
Aldébaran.

Le Berger des étoiles
A dans ses larges toiles
Emprisonné divers
Grands univers.

Là, tendant leurs échines,
D’invincibles machines
Font mouvoir les vermeils
Coeurs des Soleils.

Puis, des fontaines vives
Dans leurs eaux convulsives
Roulent des firmaments
De diamants.

La chevelure d’Eve
Et sa bouche de rêve
Les ont teintes de leurs
Tendres couleurs,

Et des jardins étranges
Fleurissent, dont les Anges
Ailés et triomphants
Sont les Alphands.

Là naissent, blancs et lisses,
Ouvrant leurs purs calices
Près des amaryllis,
D’immenses lys,

Et des roses farouches,
Pareilles à des bouches
Que tout baise à l’entour,
Disent: Amour!

Parmi l’or des fournaises
Dansent des Javanaises
Venant d’une Java
Où nul ne va.

Mille milliers de rimes
S’éparpillent, sublimes,
En un glorieux chant;
Et se penchant

Vers les grands téléphones,
Hurlent des Tisiphones
Et parlent en mots fins
Les Séraphins.

Dans la nue électrique,
Dieu, puissamment lyrique,
Lutte avec Edison
A sa façon;

Et de ses mains profondes,
L’ingénieur des mondes
Construit dans le plein ciel
Sa Tour Eiffel!

9 juillet 1889.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Le Créateur du monde
    À certains moments gronde
    Ainsi qu'un fier dragon
    Un peu bougon.

    Les diables lui répondent
    Sur cette longueur d'onde,
    Tapant sur leurs wagons
    Et leurs fourgons.

    Le Ciel produit des flammes.
    Plus d'un nuage crame
    Dans les éclairs ;

    Quelques grands volcans bavent
    Mille torrents de lave
    Jusqu'aux enfers.

  2. Le seigneur des rouages
    -----------------------------

    Il dessine des plans aux lueurs des chandelles,
    Son travail d’ingénieur est étrange pour moi ;
    Il rêve une machine, il écrit sans émoi
    Ce que nous permettra cette chose nouvelle.

    La critique envers lui jamais ne fut cruelle,
    Qui toujours le trouva chercheur de bon aloi ;
    Car de la mécanique il applique les lois
    Et pour son doux regard, les équations sont belles.

    Quand je fus un chercheur, je l’entendis souvent
    Passer d’un théorème à l’axiome suivant ;
    Par désir de comprendre, et non point de fortune.

    De ses beaux manuscrits, il donna la primeur
    Au rhapsode subtil, ami de l’imprimeur,
    Dont toujours il guettait la retouche opportune.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS