Complainte des noces de Pierrot
Où te flatter pour boire dieu,
Ma provisoire corybante ?
Je sauce mon âme en tes yeux,
Je ceins ta beauté pénitente,
Où donc vis-tu ? Moi si pieux,
Que tu m’es lente, lente !Tes cils m’insinuent : c’en est trop ;
Et leurs calices vont se clore,
Sans me jeter leur dernier mot,
Et refouler mes métaphores,
De leur petit air comme il faut ?
Isis, levez le store !Car cette fois, c’est pour de bon ;
Trop d’ avrils, quittant la partie
Devant des charmes moribonds,
J’ai bâclé notre eucharistie
Sous les trépieds où ne répond
Qu’une aveugle pythie !Ton tabernacle est dévasté ?
Sois sage, distraite égoïste !
D’ailleurs, suppôt d’éternité,
Le spleen de tout ce qui n’existe
Veut qu’ en ce blanc matin d’été,
Je sois ton exorciste !Ainsi, fustigeons ces airs plats
Et ces dolentes pantomimes
Couvrant d’avance du vieux glas
Mes toscins à l’hostie ultime !
Ah ! Tu me comprends, n’est-ce pas,
Toi, ma moins pauvre rime ?Introïbo, voici l’Époux !
Hallali ! Songe au pôle, aspire ;
Je t’achèterai des bijoux,
Garde-moi ton ut de martyre…
Quoi ! Bébé bercé, c’est donc tout ?
Tu n’as plus rien à dire ?-Mon dieu, mon dieu ! Je n’ai rien eu,
J’en suis encore aux poncifs thèmes !
Son teint me redevient connu,
Et, sur son front tout au baptême,
Aube déjà l’air ingénu !
L’air vrai ! L’air non mortel quand même !Ce qui fait que je l’aime,
Et qu’elle est même, vraiment,
La chapelle rose
Où parfois j’expose
Le saint-sacrement
De mon humeur du moment.
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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