Complainte des condoléances au soleil
Décidément, bien Don Quichotte et pas peu sale,
Ta Police, ô Soleil ! Malgré tes grands Levers,
Et tes couchants des beaux Sept-Glaives abreuvés,
Rosaces en sang d’une aveugle Cathédrale !Sans trêve, aux spleens d’ amour sonner des hallalis !
Car, depuis que, majeur, ton fils calcule et pose,
Labarum des glaciers ! Fais-tu donc autre chose
Que chasser devant toi des dupes de leurs lits ?Certes, dès qu’aux rideaux aubadent tes fanfares,
Ces piteux d’ infini, clignant de gluants deuils,
Rhabillent leurs tombeaux, en se cachant de l’oeil
Qui cautérise les citernes les plus rares !Mais tu ne te dis pas que, là-bas, bon Soleil,
L’autre moitié n’attendait que ta défaillance,
Et déjà se remet à ses expériences,
Alléguant quoi ! La nuit, l’usage, le sommeil…Or, à notre guichet, tu n’es pas mort encore,
Pour aller fustiger de rayons ces mortels,
Que nos bateaux sans fleurs rerâlent vers leurs ciels
D’où pleurent des remparts brodés contre l’aurore!Alcôve des Danaïdes, triste astre! -Et puis,
Ces jours où, tes fureurs ayant fait les nuages,
Tu vas sans pouvoir les percer, blême de rage
De savoir seul et tout à ses aises l’ennui !Entre nous donc, bien Don Quichotte, et pas moins sale,
Ta Police, ô Soleil, malgré tes grands Levers,
Et tes couchants des beaux sept-glaives abreuvés,
Rosaces en sang d’une aveugle Cathédrale !
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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Je ne sais point à quoi comparer le soleil ;
J'aime, en un frais matin, rêver sous sa lumière
Et le voir décliner à son heure dernière...
Au petit jour il semble abriter mon sommeil,
Ou bien me consoler de rester en éveil,
Car la chose pour lui est simple et coutumière :
D'Est en Ouest il lui faut franchir la Terre entière,
Brillant au firmament d'un éclat sans pareil.
Sans lui, que saurions-nous de la beauté du monde,
De l'univers bizarre où la magie abonde,
Où l'heure est annoncée par les corbeaux tordus ?
Sans lui, on y verrait comme dans un tunnel,
Comme dans la noirceur du froid originel,
Tâtonnant devant nous, tels des enfants perdus.