Complainte de la Lune en province
Ah ! La belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l’adjoint ;Un clavecin joue en face,
Un chat traverse la place :La province qui s’endort !
Plaquant un dernier accord,Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ?Calme lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?Lune, ô dilettante lune,
A tous les climats commune,Tu vis hier le Missouri,
Et les remparts de Paris,Les fiords bleus de la Norwège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?Lune heureuse ! Ainsi tu vois,
A cette heure, le convoiDe son voyage de noce !
Ils sont partis pour l’Écosse.Quel panneau, si, cet hiver,
Elle eût pris au mot mes vers !Lune, vagabonde lune,
Faisons cause et mœurs communes ?Ô riches nuits ! Je me meurs,
La province dans le cœur !Et la lune a, bonne vieille,
Du coton dans les oreilles.
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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Lune en banlieue
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Piaf-Tonnerre, sous la lune,
Rêve à d'immenses tribunes ;
Des mots résonnent au loin,
Que l'on entend plus ou moins.
Un tardif autobus passe,
Traversant le noir espace.
Dans le grand clocher qui dort,
Il règne un silence d'or.
Un poète géomètre
Contemple deux cents fenêtres.
L'escargot met en péril
La plantation de persil.
Elle a blanchi, notre lune,
Chaque rue de la commune.
Piaf-Tonnerre, heureux dormeur,
Rêve qu'il parle à des fleurs
Dont la lune s'émerveille
Et n'en croit pas ses oreilles.
Chanson de l'échange impossible
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Ainsi parlait un homme, amoureux de la lune :
— Cet astre est un joyau, c’est mon souverain bien,
Jamais je ne voudrai l’échanger contre rien ;
Les étoiles du ciel, n’en manquât-il aucune,
Ne seraient à mes yeux qu’une piètre fortune.
C’est un noble trésor, celui que je détiens,
Une étoile jamais n’en défera le lien,
Je m’y suis engagé, ce n’est pas pour des prunes.
Planète Profdefacandra
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Dans son nocturne ciel ne passe nulle lune,
Pas de marées en mer, est-ce un mal, est-ce un bien?
Sur les sept continents les gens n’en pensent rien,
Et certainement pas que c’est une lacune.
Contemplant un millier d’étoiles sur les dunes,
Un promeneur avec la brise s’entretient ;
Entre rêveur et vent sont solides les liens,
Mais l’homme les rompra pour une dame brune.
Le peuple de ces lieux suit des lois non écrites ;
Nul penseur n’a tenté d’interpréter leurs rites,
Ni ne fit un effort pour saisir leur humour.
D’ailleurs, connaissent-ils l’amour et la souffrance ?
Ils s’en moquent un peu, selon toute apparence ;
Car il leur suffit bien d’aimer au jour le jour.