Complainte de l’ange incurable
Je t’expire mes cœurs bien barbouillés de cendres ;
Vent esquinté de toux des paysages tendres !Où vont les gants d’avril, et les rames d’antan ?
L’âme des hérons fous sanglote sur l’étang.Et vous, tendres
D’antan ?Le hoche-queue pépie aux écluses gelées ;
L’amante va, fouettée aux plaintes des allées.Sais-tu bien, folle pure, où sans châle tu vas ?
-Passant oublié des yeux gais, j’aime là-bas…-En allées
Là-bas !Le long des marbriers (Encore un beau commerce ! )
Patauge aux défoncés un convoi, sous l’ averse.Un trou, qu’asperge un prêtre âgé qui se morfond,
Bâille à ce libéré de l’être; et voici qu’onLe déverse
Au fond.Les moulins décharnés, ailes hier allègres,
Vois, s’en font les grands bras du haut des coteaux maigres!Ci-gît n’importe qui. Seras-tu différent,
Diaphane d’amour, ô Chevalier-Errant?Claque, ô maigre
Errant !Hurler avec les loups, aimer nos demoiselles,
Serrer ces mains sauçant dans de vagues vaisselles !Mon pauvre vieux, il le faut pourtant ! Et puis, va,
Vivre est encor le meilleur parti ici-bas.Non ! vaisselles
D’ici-bas !Au-delà plus sûr que la Vérité ! Des ailes
D’Hostie ivre et ravie aux cités sensuelles !Quoi? Ni Dieu, ni l’art, ni ma Sœur fidèle; mais
Des ailes ! Par le blanc suffoquant ! à jamais,Ah ! Des ailes
A jamais !-Tant il est vrai que la saison dite d’automne
N’est aux cœurs mal fichus rien moins que folichonne.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
- Mettons un doigt sur la plaie
- Dimanches (Je ne tiens que des mois)
- Dimanches (Les nasillardes cloches)
- Dimanches (J'aime, j'aime de tout mon...
- Complainte de l'ange incurable
- Cas rédhibitoire (Mariage)
- La vie qu'elles me font mener
- Complainte des cloches
- Nobles et touchantes divagations sous la Lune
- Litanies des premiers quartiers de la Lune
- Rêve (11)
- À Paul Bourget (9)
- Épicuréisme (6)
- Dimanches (N'achevez pas...) (5)
- Complainte-placet de Faust fils (4)
- Complainte du pauvre chevalier-errant (3)
- Autre complainte de l'orgue de barbarie (3)
- Complainte de la Lune en province (3)
- Complainte des pubertés difficiles (3)
- Complainte d'un certain dimanche (3)
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire