Poème 'Comme un qui s’est perdu dans la forest profonde' de Etienne JODELLE dans 'Les Amours'

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Comme un qui s’est perdu dans la forest profonde

Etienne JODELLE
Recueil : "Les Amours"

Comme un qui s’est perdu dans la forest profonde
Loing de chemin, d’orée et d’adresse, et de gens :
Comme un qui en la mer grosse d’horribles vens,
Se voit presque engloutir des grans vagues de l’onde :

Comme un qui erre aux champs, lors que la nuict au monde
Ravit toute clarté, j’avois perdu long temps
Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens,
Perdu long temps l’object, où plus mon heur se fonde.

Mais quand on voit, ayans ces maux fini leur tour,
Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,
Ce bien present plus grand que son mal on vient croire.

Moy donc qui ay tout tel en vostre absence esté,
J’oublie, en revoyant vostre heureuse clarté,
Forest, tourmente, et nuict, longue, orageuse, et noire.

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Commentaires

  1. Se perdre en forêt
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    Comme un homme égaré dans la forêt profonde,
    Le poète au jardin est traversé d'effroi.
    Tout n'est-il donc que leurre et tristesse en ce monde,
    Qu'un acheminement vers le sépulcre froid ?

    Vainement aux entours jetant des coups de sonde,
    L'égaré ne sait plus comment sortir du bois.
    Sur un même sentier sa trajectoire ronde
    Le ramène toujours dans les mêmes endroits.

    Mais une goutte d'eau quelquefois sur sa lèvre,
    Le saut d'un écureuil, la gambade d'un lièvre,
    Lui font aimer pourtant la piste, au petit jour.

    Il est charmé surtout par l'apaisant silence
    Dont est souvent saisi notre univers immense ;
    Ce silence est prière au soleil des amours.

  2. Pont perdu
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    Ici la rivière est profonde,
    Ce lieu est traversé d’effroi.
    Il n’en est de pire en ce monde,
    Ici chacun porte sa croix.

    Un ondin cette noire eau sonde,
    Pour y trouver on ne sait quoi ;
    Un noir papillon fait sa ronde
    En d’invraisemblables endroits.

    Un murmure franchit les lèvres
    D’un fantôme accablé de fièvre ;
    Il a maudit l’astre du jour.

    Puis il se noie dans le silence
    Car son désespoir est immense ;
    Il a regret de ses amours.

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Etienne JODELLE

Portait de Etienne JODELLE

Étienne Jodelle, né en 1532 à Paris où il est mort en juillet 1573, est un poète et dramaturge français. Membre de la Pléiade, il s’efforça d’en appliquer les principes à l’art théâtral. Il fut le premier à utiliser l’alexandrin dans la tragédie. Il apparaît comme un précurseur de la tragédie à... [Lire la suite]

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