Chant du tabou
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous ! Ainsi chantent les héros qui te suivent.
— Le tabou est sur toi et nul n’osera te toucher. Ta vie est sacrée et ta personne frappe d’épouvante les meurtriers.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous, car nous avons ravivé les anciennes coutumes et les usages préhistoriques.
— Le tabou est sur toi et nous ne voulons être que ta peuplade barbare, obéissant à tes ordres et mourant sans mot dire.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous, et c’est pourquoi nous avons élargi, autour de toi, notre cercle sur la terre.
— Le tabou est sur toi ! Nos conquêtes, sanglants sacrifices, sont la mesure de notre commune folie, la tienne et la nôtre.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous ! Partout où nous passons nous creusons nos cimetières à la place des architectures.
— Le tabou est sur toi et nul ne peut rien contre toi, ô chef ! ô intouchable ! pareil aux déments, aux lépreux et aux pestiférés.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous ! Une mort magique nous garde, seule, dans ses étables et ses abattoirs.
— Le tabou est sur toi, ô chef ! ô fossoyeur ! et ton peuple marche à tes cris vers l’inexorable sacrifice.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous. La nourriture que tu nous refuses, nous ne pouvons te la donner.
— Le tabou est sur toi et tu mourras de faim, comme nous-mêmes, suivant le rite, et les peuples de la terre se réjouiront.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous, bêtes cruelles, bourreaux imbéciles.
— Le tabou est sur toi ! Adolphe Hitler ! Führer ! Chef ! Destin même d’un peuple qui a choisi d’être criminel et haï.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous ! Ainsi chantent les soldats de l’agonisante Allemagne, gueules de brutes, cervelles de singes, cœurs de porcs de l’agonisante Allemagne.
— Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous ! Rien ne peut nous libérer du tragique destin que nous avons choisi en toi, nous, la foule allemande des déments et qui doutons de n’être pas morts déjà et vampires affamés en quête de pourriture et de néant.
— Le tabou, le tabou est sur toi, le tabou est sur nous et la ruine et la mort, la défaite et la famine, et pas même une légende d’or et de sang pour tirer nos ombres de leur tourment. Le tabou est sur toi, le tabou est sur nous.
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
Intouchable,
Ma vie née de forceps devint l'écrin fragile
Où j'oubliais parfois de voir la vérité
Va-nu-pieds sans aveux et sans réalité
J'ai grandi malgré tout comme un chiendent agile
Et quand je la surprends, mon âme volubile
S'enveloppe de spleen pour fuir l'insanité
De ces humains jouisseurs, hantés d’ambiguïté
Qui s'amusent du temps __ Quand je suis immobile
à l'attendre sans fin, même s'il vit ailleurs.
Chaque nuit, il revient caresser ma douleur
Il est mon intouchable et marche dans mes rêves
Nous gaspillons nos vies d'un désir résistant
Aux ombres de nos corps souffrant et s'attristant
Chaque fois qu'un printemps nous accorde une trêve__