Chanson d’une dame dans l’ombre
Quand vient la Silencieuse et coupe la tête des tulipes :
Qui gagne ?
Qui perd ?
Qui s’avance vers la fenêtre ?
Qui nomme en premier son nom ?
Il en est un, qui porte mes cheveux
Il les porte comme on porte les morts à bout de bras.
Il les porte comme le ciel portait mes cheveux dans l’année, celle où j’aimais
Ainsi il les portait par vanité
Celui-là gagne.
Celui-là ne perd pas.
Celui-là ne s’avance pas vers la fenêtre
Celui-là ne nomme pas son nom.
Il en est un, qui a mes yeux.
il les a, depuis que les grandes portes se sont refermées.
il les porte comme anneau aux doigts.
Il les porte comme éclats de plaisir et de saphir :
Il était déjà mon frère à l’automne ;
Il compte déjà et les jours et les nuits.
Celui-là gagne.
Celui-là ne perd pas.
Celui-là ne s’avance pas vers la fenêtre
Celui-là nomme son nom en dernier.
Il en est un, qui a ce que j’ai dit.
Il le porte sous le bras comme un paquet.
Il le porte comme l’horloge porte sa plus mauvaise heure.
Il le porte de seuil en seuil, il ne le jette pas au loin.
Celui-là ne gagne pas.
Celui-là perd.
Celui-là s’avance vers la fenêtre
Celui-là nomme son nom en premier.
Celui-là sera décapité avec les tulipes
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Paul CELAN
Paul Celan (23 novembre 1920 – 20 avril 1970) est un poète et traducteur roumain de langue allemande, né Paul Pessach Antschel au sein d’une famille juive allemande à Cernăuți – Roumanie -, l’ancienne Czernowitz, et naturalisé français le 8 juillet 1955. C’est peut être le plus grand poète de langue... [Lire la suite]
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Wenn die Schweigsame kommt und die Tulpen köpft:
Wer gewinnt?
Wer verliert?
Wer tritt an das Fenster?
Wer nennt ihren Namen zuerst?
Es ist einer, der trägt mein Haar.
Er trägts wie man Tote trägt auf den Händen.
Er trägts wie der Himmel mein Haar trug im Jahr, da ich liebte.
Er trägt es aus Eitelkeit so.
Der gewinnt.
Der verliert nicht.
Der tritt nicht ans Fenster.
Der nennt ihren Namen nicht.
Es ist einer, der hat meine Augen.
Er hat sie, seit Tore sich schliessen.
Er trägt sie am Finger wie Ringe.
Er trägt sie wie Scherben von Lust und Saphir:
er war schon mein Bruder im Herbst;
er zählt schon die Tage und Nächte.
Der gewinnt.
Der verliert nicht.
Der tritt nicht ans Fenster.
Der nennt ihren Namen zuletzt.
Es ist einer, der hat, was ich sagte.
Er trägts unterm Arm wie ein Bündel.
Er trägts wie die Uhr ihre schlechteste Stunde.
Er trägt es von Schwelle zu Schwelle, er wirft es nicht fort.
Der gewinnt nicht.
Der verliert.
Der tritt an das Fenster.
Der nennt ihren Namen zuerst.
Der wird mit den Tulpen geköpft.