Poème 'Chanson à boire' de Théodore de BANVILLE dans 'Les stalactites'

Chanson à boire

Théodore de BANVILLE
Recueil : "Les stalactites"

Allons en vendanges,
Les raisins sont bons !
Chanson.

De ce vieux vin que je révère
Cherchez un flacon dans ce coin.
Çà, qu’on le débouche avec soin,
Et qu’on emplisse mon grand verre.

Chantons Io Paean !

Le Léthé des soucis moroses
Sous son beau cristal est enclos,
Et dans son cœur je veux à flots
Boire du soleil et des roses.

La treille a ployé tout le long des murs,
Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

Jusqu’en la moindre gouttelette,
La fraîche haleine de ce vin
Exhale un parfum plus divin
Qu’une touffe de violette,

Chantons Io Paean !

Et, dessus la lèvre endormie
Des pâles et tristes songeurs,
Met de plus ardentes rougeurs
Que n’en a le sein de ma mie.

La treille a ployé tout le long des murs,
Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

A mes yeux, en nappes fleuries
Dansantes sous le ciel en feu,
L’air se teint de rose et de bleu
Comme au théâtre des féeries ;

Chantons Io Paean !

Je vois un cortège fantasque,
Suivi de cors et de hautbois,
Tourbillonner, et joindre aux voix
La flûte et les tambours de basque !

La treille a ployé tout le long des murs,
Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

C’est Galatée ou Vénus même
Qui, dans l’éclat du flot profond,
Se joue et me sourit au fond
De mon grand verre de Bohême.
Chantons Io Paean !
Cette autre Cypris, plus galante,
Naît du nectar si bien chanté,
Et laisse voir sa nudité
Sous une pourpre étincelante.
La treille a ployé tout le long des murs,
Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !
Plus d’amante froide ou traîtresse,
Plus de poëtes envieux !
Dans ce grand verre de vin vieux
Pleure une immortelle maîtresse,
Chantons Io Paean !
Et, comme un ballet magnifique,
Je vois, dans le flacon vermeil,
Couleur de lune et de soleil,
Des rhythmes danser en musique !
La treille a ployé tout le long des murs,
Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

Septembre 1844.

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Commentaires

  1. À l'heure où plus d'un s'endort,
    À boire l'on me convie ;
    Loin de la foule asservie,
    Savourons des alcools forts.

    L'ivresse prend son essor,
    Les poèmes prennent vie.
    Pour la muse inassouvie,
    Des verres pleins à ras bord.

    Ah, muse de la taverne,
    Le grand prix je te décerne,
    Dont tu peux tirer orgueil.

    Tu as vaincu ma paresse
    Cent fois mieux qu'une maîtresse
    Ou que la peur du cercueil.

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