César
César, calme César, le pied sur toute chose,
Les poings durs dans la barbe, et l’oeil sombre peuplé
D’aigles et des combats du couchant contemplé,
Ton coeur s’enfle, et se sent toute-puissante Cause.Le lac en vain palpite et lèche son lit rose;
En vain d’or précieux brille le jeune blé;
Tu durcis dans les noeuds de ton corps rassemblé
L’ordre, qui doit enfin fendre ta bouche close.L’ample monde, au delà de l’immense horizon,
L’Empire attend l’éclair, le décret, le tison
Qui changeront le soir en furieuse aurore.Heureux là-bas sur l’onde, et bercé du hasard,
Un pêcheur indolent qui flotte et chante, ignore
Quelle foudre s’amasse au centre de César.
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Paul VALÉRY
Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry est un écrivain, poète, philosophe et épistémologue français, né à Sète (Hérault) le 30 octobre 1871 et mort à Paris le 20 juillet 1945. Né d’un père d’origine corse et d’une mère génoise, Paul Valéry entame ses études à Sète (alors orthographiée Cette) chez les... [Lire la suite]
Au tout-puissant César il manquait une chose,
L'ultime soumission d'un village peuplé
D'invincibles Gaulois. Leur sort est contemplé
Par de nombreux voisins que passionne la cause.
Le barde en son jardin chante pour une rose ;
Le druide va bénir un champ de jeune blé ;
Le peuple du village, au banquet rassemblé,
Se moque des Romains dans leur caserne close.
Le village, entouré d'un paisible horizon,
Ne craint pas de César la flamme ou le tison ;
Il peut dormir tranquille en attendant l'aurore.
Tout autour du Romain, des seigneurs de hasard
S'interrogent sans fin ; chaque stratège ignore
Si du village, un jour, triomphera César.
Blé de sinople
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Un carré de sinople est une douce chose :
D’amateurs de blé mûr l’univers est peuplé,
Mais moi, c’est le blé vert que j’aime contempler,
J’ai toujours aimé ça, j’en ignore la cause.
J’aime la marguerite, et j’aime aussi la rose ;
Par-dessus tout, j’admire un champ de jeune blé ;
Quelques coquelicots, dans ce champ rassemblés,
En rehaussent le ton de leur splendeur éclose.
Le blé jeune, entouré d’un paisible horizon,
Ne craint pas du soleil la flamme ou le tison ;
Les oiseaux du bosquet l’éveillent à l’aurore.
J’aime ce qui est vert, ce n’est pas un hasard,
Même si cela tient à des lois que j’ignore :
Ce sinople éclatant semble un effet de l’art.
Blé polychrome
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Quoi de plus émouvant que la couleur des choses?
De savoureux photons le cosmos est peuplé,
Provenant des objets par nos yeux contemplés;
Le soleil les transcende et les métamorphose.
Quelques épis sont verts, plusieurs autres sont roses,
Dans ce magique champ, polychrome est le blé;
Les corbeaux pour le voir se trouvent rassemblés
Qui à le dévorer, peut-être, se disposent.
Le blé d’azur s’accorde avec les horizons,
Chose que, m’a-t-on dit, dans Platon nous lisons
Au détour d’un dialogue intitulé «L’Aurore».
Merci à la couleur qui séduit nos regards
Et qu’un songe parfois nos fait goûter encore,
Quelque peu assombrie en cas de cauchemar.
Cornes et barbe
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Le bouc est philosophe, il dissèque des choses,
Observant les vivants dont le monde est peuplé ;
Il aime, comme toi, les astres contempler,
Surtout la blanche lune et ses métamorphoses.
Il écoute les voix du prince et de sa rose,
Ainsi que le renard parlant d’un champ de blé ;
Il guide le troupeau qu’il aide à rassembler,
Autour duquel les chiens sagement se disposent.
Il ne craint point l’éclair qui frappe l’horizon,
Ni le lourd sanglier, ni l’ours, ni le bison ;
Auprès de son harem il s’empresse aux aurores.
Caprin bien inspiré, penseur au doux regard,
Tu égales Leibniz ou tu vaux plus encore,
Vois comme la bergère a pour toi des égards.