Poème 'Carolo Quinto imperante' de José-Maria de HEREDIA dans 'Les Trophées'

Carolo Quinto imperante

José-Maria de HEREDIA
Recueil : "Les Trophées"

Celui-là peut compter parmi les grands défunts,
Car son bras a guidé la première carène
A travers l’archipel des jardins de la Reine
Où la brise éternelle est faite de parfums.

Plus que les ans, la houle et ses âcres embruns,
Les calmes de la mer embrasée et sereine
Et l’amour et l’effroi de l’antique sirène
Ont fait sa barbe blanche et blancs ses cheveux bruns.

Castille a triomphé par cet homme, et ses flottes
Ont sous lui complété l’empire sans pareil
Pour lequel ne pouvait se coucher le soleil ;

C’est Bartolomé Ruiz, prince des vieux pilotes,
Qui, sur l’écu royal qu’elle enrichit encor,
Porte une ancre de sable à la gumène d’or.

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Commentaires

  1. Hale sur la gumène et l'ancre se relève,
    Le navire est parti en tirant un long bord.
    Toujours l'écu royal doit devenir plus fort,
    Son prochain meuble : un jour qui jamais ne s'achève.

  2. Sagesse du lierre
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    Le lierre est le linceul des grands arbres défunts ;
    Non pas blanc, mais brillant d’une verdeur pérenne ;
    Il monte également aux murs de Bourg-la-Reine
    Où les vents franciliens apportent leurs parfums,

    Les grands menhirs bretons que baignent les embruns
    Et les manoirs de Loire à la pierre sereine ;
    Il servit de costume aux antiques sirènes
    Qui de sa verte feuille ornaient leurs cheveux bruns.

    Aux donjons de jadis où nos étendards flottent
    Il est, pour le présent, un habit sans pareil,
    Une armure de paix, reflétant le soleil ;

    Aux murailles de Sparte où trimaient les ilotes,
    Ou, sur l’écu ducal qui brille de ses ors,
    Qui dans sa langue dit : ce qui est souple est fort.

  3. Nef hautement précaire
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    Cette nef sans mâture emporte les défunts,
    Qui sait vers quel endroit, vers l’antre des murènes ?
    Vers l’île de Thulé, dont aimable est la reine ?
    Vers la Rive de Nacre, aux fabuleux parfums ?

    Contournant les récifs qu’arrosent les embruns,
    Le modeste vaisseau suit sa route sereine ;
    Il est, en maints endroits, guidé par les sirènes
    Ou par un bel ondin aux charmants cheveux bruns.

    Que demander de plus, du moment qu’elle flotte
    Et que le timonier toujours reste en éveil,
    Et qu’il observe aussi la lune et le soleil ?

    Neptune peut souvent leur servir de pilote,
    Il sait les préserver de cent démons retors,
    Assisté par Protée, un aimable mentor.

  4. Prière de la sirène
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    Quelques mots en l’honneur des matelots défunts,
    Le cachalot m’écoute ainsi que la murène ;
    Femme du charpentier, toi la plus douce reine,
    Plonge-les dans un rêve aux savoureux parfums.

    Ils ne reverront plus les flots ni les embruns,
    Mais au dernier instant leur âme fut sereine ;
    Eux qui rêvaient d’entendre une voix de sirène
    Ils ont vu dans le vent danser mes cheveux bruns.

    Le roi regrettera cette vaillante flotte,
    Un grand tourment tiendra son vieux coeur en éveil ;
    Alors il videra sa coupe de vermeil.

    Malheur à qui choisit Neptune pour pilote,
    Le rhapsode nous dit que c’est un dieu retors ;
    L’aiguille magnétique est un meilleur mentor.

  5. Lieu de prière
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    Sous cet autel, mille défunts,
    Garde-les, Vierge Souveraine ;
    Que nul démon ne les entraîne
    Vers l’inframonde aux noirs parfums.

    Dehors aussi, sous le sol brun,
    Sont quelques dépouilles sereines ;
    Marins noyés par les sirènes,
    Capitaines hors du commun.

    Ce lieu profond comme une grotte,
    J’en veux pour mon dernier sommeil ;
    Ou bien la friche, c’est pareil.

    Le trépas n’a point d’antidote,
    Me disait un sage mentor,
    Lui qui rarement avait tort.

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José-Maria de HEREDIA

Portait de José-Maria de HEREDIA

José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]

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