Poème 'Bivouacs' de PalabrasSinTierra

Bivouacs

PalabrasSinTierra

J’étais parti sans but, juste pour partir, pour ranger entre toi et mon besoin de toi, les étapes, le guet, les tristes gouttes de l’inutile attente.
La toile tendue comme une voile noire ne me protégeait pas de ce grand froid en moi, mais elle parvenait parfois à soustraire un peu du poids du ciel.
Au matin, je sortais affronter la lumière rasante, l’idée que tu rentrais au loin sans plus rien attendre de moi. Souvent il arrivait que je trace des signes dans le sable.
Je n’ai rien gardé de mes songes épars.

J’étais tout dans la route, dans la répétition, dans l’enfoncement de mes pas. Mes articulations brûlantes étaient la preuve : je vivais.
De toi m’arrivaient de lentes brasses, des remous de sémaphores, des buées au-dessus des crêtes. Je n’étais sûr de rien, sauf de ton rire. Tu affirmais être heureuse, tu proclamais avoir trouvé la plage de ton plain-chant.
A chaque écho de toi, la joie venait se glisser dans ma gorge comme une bulle épaisse et sucrée. Mes yeux souvent me piquaient quand ton rire cascadait. Il était comme le sable au coin des paupières. Je t’aimais alors comme on ne t’a jamais aimée : j’étais le vent qui faisait gonfler ton corsage, te prenant toute pour moi pour te rendre sans délai à l’espace.
Mais quelques-uns de tes mots parfois te cinglaient d’un mépris épais. C’était comme une ceinture abattue sur tes cuisses et tes fesses. J’étais alors jeté dans mon cabinet noir, et je buvais sans soif l’assommoir de tes bribes. Sans comprendre je savais. Ce que tu portais c’était encore ta blessure, celle qui toujours saigne en toi, petite fille.
Alors je battais l’espace, griffais les parois, hurlais à la face des astres ma rage de n’être pas là pour te protéger. Te protéger ? Tu m’aurais giflé d’avoir cette ambition. Mais j’étais à mes yeux déjà coupable depuis cet été où tu n’es pas venue. Tous te savent ardente, moi je te savais flamme vacillante. Et je n’avais rien fait.
Désormais tu allais de port en port comme un marin et une femme de marin, adossée à la paroi des containers, hélant la bonne fortune dans chaque docker, chaque routier. Essieux, ridelles, rivets, tout roulait sur toi, tout faisait maillons, crochets, lanières.
Dans mon désert, je repliais ma tente, m’apprêtant à repartir, à te chercher un peu plus loin.
Tes mots sont venus, crochus encore, mais d’une délicatesse tendre pourtant. J’ai déployé la toile, je me suis assis en tailleur face à tous les vents. Mon chariot a tremblé, a pris de la vitesse lentement.
Le sable coule entre mes doigts. J’écoute ta rumeur.

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Nom : T.

Prénom : Jean-Luc

Naissance : 23/08/1961

Présentation : Je griffonne depuis toujours. Je lis de la poésie tous les jours depuis toujours. Bonheur, malheur, quiétude ou tempêtes, tout m'est prétexte à poéter un peu... Je me décide à m'inscrire...

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