Bibliotaphe
I
Monsieur le curé dit sa messe congrument…
Quand il stoppe soudain : c’est un bibliotaphe !
« Je serais éloquent si j’étais polygraphe. »
Tant il y a d’erreurs dans son agissement :Heurts sans but du ciboire, échange des burettes
À tort et à travers, et tant d’et cæteras !
C’est, vous dis-je, un bibliotaphe dont les bras
Sont tombés à l’aspect d’enluminures, blettesUn peu, mais si du temps ! dans ce missel, pourtant
Connu de lui, vieux serviteur concomitant
Jusque là cru banal, et voilà qu’il révèleDes mérites dont la Fabrique a peu cure, elle !…
Et talonné par le scrupule et le péché,
L’abbé va droit se confesser à l’Évêché.II
(Suite à « Monsieur le curé dit sa messe »)
L’Évêque, poivre et sel, a souri dès l’abord :
« Eh quoi, mon cher ami, vous convoitez ce livre,
Achetez-le. Je ne crois pas qu’en sous de cuivre,
Non plus que d’or, le prix en soit d’un poids bien fort. »Et l’abbé : « Mais c’est que Monseigneur aurait tort
De croire, d’un côté, ce livre, qu’il se livre
Pour un morceau de pain, qu’il se vende à la livre.
Mon plus borné fabricien est plus retordQue cela de donner un missel rarissime,
Précieux, ancien, joli ! pour un patard,
Et de l’autre que ma bourse ne soit minimeA l’excès. » Et, rêveur descendu d’une cime,
Familier et grattant un peu ses cheveux gris,
L’Évêque, bas : « Allez, je payerai le prix. »III
Épisode de 1870-1871.
Le Colonel et sa traduction d’Horace,
Son exemplaire avec quel souci relié,
— Coins fins, or mis au point, — d’un art presque oublié,
Sont tombés de cheval dans le combat tenace.Un hussard de la Mort à terre s’est rué,
Lettré, qui sur l’Horace a mis sa main rapace.
Le Colonel, alors, sur ses reins se ramasse
Et d’un coup de son revolver, l’a, tôt, tué.Mais lui-même il se sent mourir de sa blessure
Et, ne voulant mourir sans que rien le rassure
Contre le retour d’un tel voleur que dessus,Il détruit des cinq coups qui lui restent le Livre
Qui brûle et se consume à ses côtés. — En sus,
La bataille en ce lieu même arrive et se livre.
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
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