Poème 'Bâte un âne…' de Francis JAMMES dans 'De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir'

Bâte un âne…

Francis JAMMES
Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir"

À Paul Fort.

Bâte un âne qui porte une outre d’eau de roche
à son flanc, car dans le pays des améthystes
qu’il te faut longuement traverser l’eau n’existe
pas, ni le pain que tu clôras en ta sacoche.

Or c’est à Bassora, dans la boutique, à gauche
de chez Aboul Hassan Ebn Taher le droguiste.
Devant le souk un dromadaire laisse triste-
ment pendre de sa lèvre une espèce de poche.

C’est là que Tristan Klingsor, l’enchanteur, compose
de doux lieds auprès d’un bassin. Et les roses
l’approuvent en penchant la tête, et son rebec

se plaint comme un vent doux et précieux avec
l’inflexion d’une jeune fille qui pose
sa main dessus son cœur pour un salamalec.

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Commentaires

  1. Sonnet d’ânes
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    L’âne qui doit porter une provision d’eau
    Demande à celui qu’on a chargé de bouteilles
    S’il a goûté le vin, éprouvé la merveille
    De l’ivresse qui fait qu’on roule sur le dos.

    Ami, je n’en bois point. Ce ne m’est qu’un fardeau
    Qui en moi, par ailleurs, aucun désir n’éveille ;
    Ma boisson à la tienne est strictement pareille
    Et je mange du foin, non pas du tournedos.

    Puis nos ânes parlants à l’ombre se reposent ;
    Je les vois grignoter des lilas et des roses
    (Car cela rafraîchit, lorsque le temps est sec).

    Esope, en les voyant, eût composé, avec
    Ces deux héros, un texte en excellente prose
    Dont se fût embelli son joli corpus grec...

  2. Désert liquide
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    Nulle île, nul récif en cette étendue d’eau ;
    Mais ceux de la nef rouge ont de bonnes bouteilles
    Qui viennent de Pauillac, une pure merveille.
    Les vagues peuvent bien nous montrer leur vert dos,

    La flotte est sous nos pieds, ce n’est pas un fardeau.
    Le cri des goélands au matin nous éveille ;
    Une journée à l’autre est strictement pareille,
    Le dimanche à midi, on a du tournedos.

    À l’ombre de la voile on boit, on se repose ;
    Nous ne regrettons pas les lilas ni les roses,
    L’ombre nous rafraîchit, lorsque le temps est sec.

    Le brave capitaine a composé, avec
    Ces marins, une élite, et bien sûr ça s’arrose,
    Platon, aux temps anciens, nous le disait en grec.

  3. Âne des lointains
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    Moi, j’en ai plein le dos
    De porter ma corbeille ;
    Une corvée pareille,
    Ce n’est pas un cadeau.

    Inutile fardeau
    De pesantes bouteilles ;
    Humains, je vous conseille
    De vous contenter d’eau.

    Charge, je te dépose
    Et je fais une pause ;
    Humains, fermez vos becs.

    Si vos gosiers sont secs,
    Que le ciel les arrose !
    Ou bien, faites avec.

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