06 – Il n’y a point de mort soudaine à l’homme sage… [LI à LX]
LI.
Il n’y a point de mort soudaine à l’homme sage,
De tous les accidents son cœur va au devant :
Quand il s’embarque il pense au péril du naufrage,
Et cesse de voguer quand il n’a plus de vent.LII.
Puisque tu ne sais pas où la mort te doit prendre,
Si de nuit ou de jour, en quel âge, en quel point :
En tout temps, en tout lieu il te la faut attendre,
Car de ce qu’on attend on ne s’étonne point.LIII.
Si l’enfant sort du monde aussitôt qu’il y entre,
Les bons vivent bien peu, le méchant envieillit :
Ne cherche curieux d’un tel secret le centre,
Ce sont coups de la main qui jamais ne faillit.LIV.
Pourquoi le bon s’en va, et le méchant demeure,
Ne t’en informes point, Dieu l’a permis ainsi :
L’un meurt pour vivre, l’autre a vie afin qu’il meure,
Le méchant vit à l’aise, et le bon en souci.LV.
Si du cours de tes ans tu retranches le somme,
Les soucis, et ce feu qui brûle peu à peu :
Ce qu’en prend un ami, et ta femme en consomme,
Les douleurs, les procès, il t’en reste bien peu.LVI.
Une rage de dents, une fièvre, une goutte,
Une ulcère en ta jambe, une pierre en tes reins,
Te contraint distiller ton âme goute à goute,
Et quand la mort t’en veut délivrer tu te plains.LVII.
Quand le terme est venu tu veux payer de fuite,
Tu crois faire beaucoup en gagnant quelque mois,
Mais puisqu’il faut payer, il n’est que d’être quitte,
La mort ne sera pas plus douce une autrefois.LVIII.
Ne remets du départ à demain tes affaires,
Chez le retardement loge le repentir :
En un moment la mer et les vents sont contraires,
Toute heure est bonne à qui se résout de partir.LIX.
Te plaignant de mourir en la fleur de ton âge,
Tu te plains de sortir trop tôt de la prison,
Tu te fiches d’avoir achevé ton voyage,
Et d’avoir recueilli tes fruits en leur saison.LX.
Dresse de tes vertus, non de tes jours le compte,
Ne pense pas combien, mais comme aller tu dois,
Vois jusques à quel prix ta besogne se monte,
On juge de la vie et de l’or par le poids.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Pierre MATTHIEU
Pierre Matthieu (Pesmes, 1563 – Toulouse, 1621) est un écrivain, poète et dramaturge et historiographe français. Pierre Matthieu fait ses études chez les Jésuites, où il maîtrise rapidement le latin, le grec ancien et l’hébreu. A 19 ans, il sert d’adjoint à son père au collège de Vercel (dans l’actuel... [Lire la suite]
- 02 - Le fruit sur l'arbre prend sa fleur, et...
- 01 - Estime qui voudra la Mort...
- 06 - Partout la vanité du monde se...
- 06 - Il n'y a point de mort soudaine à...
- 04 - L'Empire d'Assyrie est tout réduit en...
- 07 - Il est dur de mourir éloigné de sa...
- 08 - L'esprit dedans ce corps est retenu par...
- 07 - La vie par l'effet s'estime, et non par...
- 08 - Pour qui réserves-tu le fruit de tes...
- 04 - Pour avoir un bon Roi, un Conseil juste...
- 03 - Tu dis qu'il n'est pas temps, mondain,...
- 05 - Le méchant toujours tremble, il est...
- 01 - Cette grandeur des Rois, qui nous...
- 09 - Ce bigot qui ses vœux sur son mérite...
- 05 - Cette Reine qui n'eût qu'un château...
- 09 - Le Marinier qui va de naufrage en...
- 02 - Tu dois ton âme au Ciel, ne fais pas...
- 03 - Ce cœur ambitieux qui te donne des...
- 10 - A la beauté les yeux comme à leur...
- 10 - Il tarde au Pèlerin d'achever son...
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire