Au Roi
Cher objet des yeux et des cœurs,
Grand Roi, dont les exploits vainqueurs
N’ont rien que de doux et d’auguste,
Usez moins de votre amitié,
Vous perdrez ce titre de juste
Si vous usez trop de pitié.Quand un Roi par tant de projets
Voit dans l’âme de ses sujets
Son autorité dissipée,
Quoi que raisonne le conseil,
Je pense que les coups d’épée
Sont un salutaire appareil.L’honneur d’un juste potentat
Est de faire qu’en son état
La paix ait des racines fermes :
Par là se doit-il maintenir
Et demeurer toujours aux termes
De pardonner et de punir.Contre ces esprits insensés,
Qui se tiennent intéressés
En la calamité publique,
Selon la loi que nous tenons,
Il ne faut point qu’un roi s’explique
Que par la bouche des canons.Les forts bravent les impuissants,
Les vaincus sont obéissants,
La justice étouffe la rage.
Il les faut rompre sous le faix :
Le tonnerre finit l’orage,
Et la guerre apporte la paix.Henri, détourne ici tes yeux,
Et, regardant ces tristes lieux
Consacrés à ta sépulture,
Considère comme ton cœur
Se lâche et contre sa nature
Reçoit un ennemi vainqueur.Toutefois, grand astre des rois,
Celle qui te prit autrefois
Encore impunément te brave,
Ton cœur ne lui résiste pas
Et demeure toujours esclave
De ses victorieux appas.Grande Reine, en faveur des lys
Avec lui presque ensevelis,
N’offensez point ses funérailles ;
Pour l’avoir à quoi le dessein
De venir rompre des murailles
Si vous l’avez dans votre sein ?Merveilleux changement du sort!
Ce grand Roi, que devant sa mort
Vous gagniez avecque des larmes,
Est-il si puissant aujourd’hui
Qu’il vous faille employer des armes
Pour avoir empire sur lui ?Quoique ce grand cœur généreux,
Forcé d’un respect amoureux,
Ait fléchi devant votre face,
Il n’est point si fort abattu
Que son fils n’y trouve une place
Où faire luire sa vertu.Nous croyons que ces révoltés,
A notre abord épouvantés,
Se défendront mal à la brèche ;
Et qui fera comparaison
De vingt canons contre une flèche,
Dira que nous avons raison.
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Théophile de VIAU
Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français. Poète le plus lu au XVIIe siècle, il sera oublié suite aux critiques des Classiques, avant d’être redécouvert par Théophile Gautier. Depuis le XXe siècle, Théophile de Viau est défini... [Lire la suite]
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Elégante "brosse-à-reluire"
Majesté mélancolique
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Un roi dans son jardin méditait autrefois
Sur les textes anciens où sont paroles dures ;
Il n’en avait pas bien digéré la lecture,
Car il n’était pas loin d’avoir perdu la foi.
De son ange gardien n’entendant plus la voix,
Son âme se perdait dans une nuit obscure ;
Tout ce qu’il percevait lui fut mauvais augure,
Parfois il marmonnait « Que nous sert d’être roi ? ».
Il ne savourait plus les plaisirs de la table,
Ni de sa tendre amie les charmes délectables,
Laquelle goûtait peu cette morosité.
Mais d’une autre Vénus la douceur entrevue
Ralluma dans son coeur une flamme ténue,
Et tant pis, se dit-il, pour la fidélité.
Roi sans majesté
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Ce roi gueule un peu fort, mais on le lui pardonne,
C’est moins pire que s’il faisait de longs discours ;
Il est assez subtil, ce n’est pas un balourd,
De sages courtisans toujours il s’environne.
L’orfèvre Saint Éloi lui fit une couronne,
Son chef en est couvert dès le début du jour ;
Avec l’évêque il peut parler de ses amours,
Surtout de Margoton, courtisane friponne.
Il sait bénir le buis pour le jour des Rameaux,
C’est dans la basilique où d’autres rois reposent ;
Sous les gisants de pierre ils abritent leurs os.
Il n’écrit jamais rien, ni en vers, ni en prose,
Il dit qu’être pensant c’est bon pour les roseaux ;
Mais il aime les voix du prince et de sa rose.