Poème 'Anna' de ATOS

Anna s’en va retrouver les siens.
Elle est de celle que l’on croise.
Elle est de celle que l’on ne peut pas oublier,
Puisqu’on a jamais pris le temps de s’en rappeler.

Elle gravit le chemin qui la mènera aux siens,
La démarche assurée,
Les mains parcheminées, le souffle fatigué.

Elle connaît le goût de la peine.
Son seul magot sont ses marmots !
Elle sait que ce soir, ils auront à manger.
Et pour Anna, voilà toute sa fierté.

Elle parle haut Anna, pour faire oublier que quelque fois
Les mots s’accrochent à ses godillots.
Elle crie parfois, Anna !
Mais, seulement pour chasser la nuit,
Pour faire peur à toutes les ombres.

Elle crie comme on enfante.

Y en a qui voudrait bien qu’Anna quitte le quartier !
Les belles bourgeoises la voient sans jamais la regarder.
Et elles murmurent ,ces belles dames…
La rumeur est trop belle !
Elles répandent leur fiel !
Elles rient dans leurs foulards de soie,
Le regard en biais, les lèvres pincées.
Ces belles dames qui ne sauront jamais se donner !

Anna, elle,
Elle donne,
Elle donne parce qu’on lui a jamais rien donné !

Anna, elle,
Elle se donne
Elle se donne parce
Qu’elle n’a qu’elle,
A donner.

Les belles dames ne veulent pas l’estimer.
Ces dames que j’aimerai tellement gifler !
Leur lancer ma colère comme je lancerai une pierre.
Pour qu’elles arrêtent de se moquer,
Pour qu’elles arrêtent de raconter qu’Anna fait trop d’enfants !
Qu’elle a çà dans le sang !
Qu’elle sert la soupe à la misère !
Et puis, qu’en plus, elle est sur leurs terres !

J’t'aime bien Anna !
Et elles, j’crois bien que je les hais !
J’t'aime bien Anna !
Et elles, elles peuvent bien crever !

Moi je ne veux pas t’oublier, Anna!
Je ne le pourrai jamais,
Parce que ce matin,
Tu as pris le temps de m’écouter.