Adroit refus
Je ne puis l’oster de mon âme,
Non plus que vous y recevoir.
MALHERBE.Elle était de l’âge d’un vieil breuf,
désirable el fraîche.
Béroalde de Verville.Ah ! ne m’accusez pas d’être froid, insensible ;
D’avoir l’œil dédaigneux, le rire d’un méchant ;
D’avoir un cœur de bronze à tout inaccessible ;
D’avoir l’âme fermée au plus tendre penchant.
Vous me devinez peu malgré votre science :
Croyez moins désormais à cette insouciance,
J’aime, et d’un amour vif ; j’en fais l’aveu touchant.J’aime, en un manoir sombre et carlovingiaque,
Sillonné vers le soir par de rouges éclairs,
Seul, au balcon hardi, d’un luth élégiaque,
Éveiller des accords frémissants dans les airs.Caché, j’aime à compter les baisers d’une amante ;
A contempler le ciel dans une onde dormante,
Et la lune bercée argentant des flots clairs.J’aime de cent chasseurs voir la tourbe effrayante ;
La voix rauque des cors tonnant au fond des bois ;
Le hahé des valets à la meute aboyante ;
Puis l’hallali joyeux, les déchirants abois.
Puis, j’aime voir après, quand le soleil décline,
Quelques bons montagnards, au pied delà colline,
Naïvement danser aux chansons d’un hautbois.J’aime à brûler parfois l’oliban et la manne ;
À savourer aux champs le parfum d’une fleur.
J’aime nonchalamment, sur la molle ottomane,
M’étendre, demi-nu, quand darde la chaleur ;
Prolonger jusqu’au soir la sieste favorite ;
Fumer le calumet, l’odorant cigarite,
Et d’un thé délicat égayer ma douleur.J’aime à bouleverser une bibliothèque,
Fouiller un chroniqueur qu’on a laissé moisir,
Déchiffrer un latin, quelque vieille ode grecque,
Essayer un rondeau, poindre un ange à loisir ;
Puis surtout, d’un festin l’enivrante magie,L’impudeur effrontée assise en une orgie,
Où s’affaisse mon corps sous le poids du plaisir.J’aime enfin chevaucher dans les bois, les campagnes,
Sur mon prompt alezan par une nuit d’été.
J’aime des cris de guerre éveillant les montagnes ;
J’aime enfin l’incendie, horrible volupté ! !
Écraser un tyran sous sa lourde oriflamme !
Au sang de l’étranger retremper une lame,
La lui briser au cœur, en criant liberté !Ah ! ne m’accusez pas d’être froid, insensible,
D’avoir l’œil dédaigneux, le rire d’un méchant ;
D’avoir un cœur de bronze à tout inaccessible,
D’avoir l’âme fermée au plus tendre penchant.
Vous me devinez peu malgré votre science :
Croyez moins désormais à cette insouciance,
J’aime, et d’un amour vif ; j’en fais l’aveu touchant.
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Petrus BOREL
Joseph-Pétrus Borel d’Hauterive, dit Pétrus Borel ou encore « le lycanthrope », né à Lyon, au 24, rue des Quatre Chapeaux, le 29 juin 1809 et mort à Mostaganem (Algérie) le 17 juillet 1859, est un poète, traducteur et écrivain français.
Pétrus Borel est le frère d’André Borel d’Hauterive, auteur d’un... [Lire la suite]
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