A une ville morte
Cartagena de Indias.
1532-1583-1697.Morne Ville, jadis reine des Océans !
Aujourd’hui le requin poursuit en paix les scombres
Et le nuage errant allonge seul des ombres
Sur ta rade où roulaient les galions géants.Depuis Drake et l’assaut des Anglais mécréants,
Tes murs désemparés croulent en noirs décombres
Et, comme un glorieux collier de perles sombres,
Des boulets de Pointis montrent les trous béants.Entre le ciel qui brûle et la mer qui moutonne,
Au somnolent soleil d’un midi monotone,
Tu songes, ô Guerrière, aux vieux Conquistadors ;Et dans l’énervement des nuits chaudes et calmes,
Berçant ta gloire éteinte, ô Cité, tu t’endors
Sous les palmiers, au long frémissement des palmes.
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José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
Ange-lion
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De gueules, l’ange-lion surgit de l’océan,
S’élève dans les airs, franchit les cieux sans nombre,
Puis se laisse flotter au firmament, sans ombre,
Sans bruit, sinon celui de son coeur de géant.
Il plane, loin du sage et loin du mécréant,
Loin de la ville neuve et loin des vieux décombres,
Loin du jour lumineux et loin de la nuit sombre,
Unique voyageur dans le ciel d’or béant.
Il ne regrette point la faune qui moutonne,
Son paisible bonheur n’a besoin de personne,
Pas plus que l’on ne craint d’être seul, quand on dort.
Le jour de ce ciel jaune est comme une nuit calme,
La crinière du lion flotte comme une palme ;
Peut-être, par instants, son coeur bat un peu fort.
Grand dieu triple
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Il est père du sol, du ciel, de l’océan,
Et cela se répète en planètes sans nombre.
On ne voit pas son corps, on ne voit pas son ombre,
On n’entend ni sa voix, ni son coeur de géant.
Il se moque du sage, aussi du mécréant,
Ignore bâtisseurs et faiseurs de décombres,
Dieu du jour lumineux et Dieu de la nuit sombre,
Invisible soleil dans le ciel d’or béant.
Il ne regrette point le Chaos qui moutonne,
Le temps où l’Univers n’eut besoin de personne,
Pas plus que l’on ne craint de rêver, quand on dort.
L’esprit de ce dieu triple est comme une nuit calme,
Sa Paix dans le Néant flotte comme une palme ;
Peut-être, par instants, ce dieu rit un peu fort.
Clé d’Alpha et clé d’Oméga
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Le Livre est un cosmos et c’est un océan ;
Nous pouvons y trouver des histoires sans nombre
Qui parlent du soleil ou du pays des ombres,
Ou bien des Nephilim, improbables géants.
Il s’en instruit, le sage, aussi le mécréant,
Le maître en son palais, le pauvre en ses décombres,
Gens du jour lumineux et gens de la nuit sombre,
Errants, vite engloutis par le trou noir béant.
J’y découvre souvent des phrases qui m’étonnent,
De curieux animaux et d’étranges personnes,
Et ces monstres douteux que l’on voit, quand on dort.
L’Alpha et l’Oméga y vivent leur vie calme,
La mère d’Ismaël sommeille sous la palme,
Un prophète hésitant se promet d’être fort.
Drame en pleine mer
À bord d’un vieux rafiot voguant sur l’océan,
Ils survivent à peine de la chair des scombres,
Qu’ils pêchent rarement, le plus souvent à l’ombre
D’une bâche qui sert de parasol géant.
Leur vie en suspens, car jugés mécréants,
Ils ont fui un pays, non sans quelques encombres,
Par exemple, ils ont craint que leur esquif ne sombre ;
Un tir des gardes-côtes y fit un trou béant.
Ce jour, on fait des nattes à celles qui moutonnent,
Pour rendre la journée un peu moins monotone,
Alors que des enfants jouent aux Conquistadors.
Mais une mère en pleurs réclame un peu de calme,
Contre elle son bambin, à tout jamais s’endort,
Pendant qu’elle l’évente à l’aide d’une palme.
https://misquette.wordpress.com/2019/05/22/drame-en-pleine-mer/
Ville d’azur
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Le bleu des murs répond au bleu de l’Océan,
Quant à ses habitants, nul ne connaît leur nombre ;
Les uns sont des vivants, les autres sont des ombres,
Les palais semblent faits pour des hôtes géants.
Là sont des religieux, aussi des mécréants
Et quelques vagabonds dont le gîte est décombres ;
Des rires chaleureux et des paroles sombres,
Des murs fort élevés et des fossés béants.
En suivant les trottoirs, le voyageur s’étonne
Que la plupart du temps ne s’y trouve personne,
À de nombreux moments, la ville d’azur dort.
Les touristes s’en vont de cet endroit trop calme ;
Au village voisin ils s’assoient sous les palmes
Pour prendre à la terrasse un bon café bien fort.
Oiseaux voyageurs
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Ces nobles migrateurs traversent l’océan,
De tels coureurs des mers ne sont qu’en petit nombre ;
Un paisible poisson, voyant passer leurs ombres,
Les prend pour des démons surgissant du néant.
Ne pense rien de tel, vieux poisson mécréant,
Ce sont des voyageurs qui voguent sans encombre ;
Il vont droit devant eux, vers où le soleil sombre,
Chacun peut admirer leurs ailes de géant.
Les habitants des mers à chaque fois s’étonnent
De ces êtres vaillants qui aux airs s’abandonnent;
Cela met un frisson dans leurs écailles d’or.
Mais eux, ce qu’il leur faut, c’est un temps sans histoires,
C’est le calme et la paix qu’ils trouvent méritoires,
Et non pas de filer d’un bord à l’autre bord.