À Paul Bourget
En deuil d’un moi-le-magnifique
Lançant de front les cent pur-sang
De ses vingt ans tout hennissants,
Je vague, à jamais innocent,
Par les blancs parcs ésotériques
De l’Armide Métaphysique.Un brave bouddhiste en sa châsse,
Albe, oxydé, sans but, pervers,
Qui, du chalumeau de ses nerfs,
Se souffle gravement des vers,
En astres riches, dont la trace
Ne trouble le temps ni l’espace.C’est tout. À mon temple d’ascète
Votre Nom de Lac est piqué:
Puissent mes feuilleteurs du quai,
En rentrant, se r’intoxiquer
De vos AVEUX, ô pur poète !
C’est la grâce que j’me souhaite.
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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Trolls bouddhistes
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C’est le bouddha de sable, un être de lumière,
Qui tourne obstinément sa face vers le mur ;
Mais le bouddha de pourpre et le bouddha d’azur
Échangent avec lui des vérités premières.
De gueules, ce bouddha dit la loi coutumière :
Garder la tête froide et garder le coeur pur,
C’est un enseignement qui n’est jamais bien dur ;
Il convient au palais ainsi qu’à la chaumière.
Le bouddha d’or a dit : Cultivez la sagesse ;
Le bouddha d’argent dit : N’ayez pas de richesses,
Ayez juste un bâton, ayez tout juste un bol.
Et puis, je vois sourire, on ne peut plus folâtre,
Le vrai triomphateur de ce monde grisâtre :
Le bouddha de sinople. Il boit avec les trolls.
Et du bouddha boudeur qu'en fais-tu Cochon ? Du boudin ?
Un bout d'homme.
un bout de bout en somme
un bout debout
contre vents et marées
ah ah ah vous me faites
marrer
à vous croire homme
quand vous n'êtes
au bout
du compte
à l'heure du compte
à rebours qu'un sous-homme
Bouddha stylite
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De gueules, ce Bouddha médite sans effort,
Il est sur sa colonne, il n’en veut pas descendre ;
Au-dessus des jardins de poussière et de cendre,
En un petit espace, il a son réconfort.
Dans un profond silence, il entend les accords
Du cosmos qui partout en lui semble s’étendre ;
Il ne se croit pas seul à pouvoir les entendre,
Ni seul à profiter du céleste décor.
De son ancienne vie, qui sait ce qu’il en reste,
Le murmure d’un mot, le souvenir d’un geste,
Peut-être aucune chose, ou peut-être un peu tout.
Les bouddhas ne sont point bâtisseurs de royaumes,
Ni là pour gouverner des peuples de fantômes ;
L’esprit qui les anime est très sage et très fou.
Bouddha plutôt serein
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Modeste est le Bouddha, c’est son plus bel attrait,
En toute circonstance il a les pieds sur terre ;
Il use en son discours de mots élémentaires
Et de sobriété dans son autoportrait.
Toi, que lui dirais-tu si tu le rencontrais ?
Lui, pour te mettre à l’aise, il t’offrirait un verre ;
La serveuse envers lui ne serait point sévère
Et de l’état du ciel avec lui débattrait.
Tu le vois, tu l’entends, et ton âme s’éveille,
Toute réalité te semble une merveille ;
Le grand Bouddha sourit, des fables racontant.
Foin des sombres soucis, foin des mauvais présages,
Vers un bel horizon tu tournes ton visage,
Entouré des buveurs qui prennent du bon temps.
Porc de sinople
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C’est un brave cochon qui n’est pas inhumain,
Il n’est point de ceux qui vers le profit se ruent ;
Il aime les troquets qu’on voit au coin des rues,
C’est là qu’il peut trouver l’oubli du lendemain.
Il erre volontiers par les petits chemins
En rêvant qu’il parcourt des villes disparues ;
Lui qui feint d’ignorer les chantiers et leurs grues,
Il a la nostalgie des monuments romains.
Il n’est pas un expert de la littérature,
Poser à l’érudit n’est pas dans ma nature,
Même s’il aime bien Marguerite Duras.
Il ne s’acharne point à cultiver le doute,
Ce qui est trop subtil le met dans l’embarras ;
Il ne raisonne guère, il marche, il suit sa route.
* * *
C'est assez peinard
D'être un cochon de sinople,
On vit sans rien foutre.
* * *
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Un nouvel été,
Une nouvelle Assemblée,
Mais, touchons du bois.