A Mademoiselle du Lude
Stances burlesques
Bel enfant de quinze ans, dru comme pere et mere,
Aymable comme un Ange ou deux,
Que le fils de celuy qui sera ton beau-pere
Se pourra dire un homme heureux !Ils ont fait de leur mieux, ceux qui t’ont mise au monde,
Et t’ont faite avec tant d’appas,
Que s’ils vouloient tascher d’en faire une seconde,
Je crois qu’ils ne le pourroient pas.Quand, pour me faire voir ton aymable visage,
Tu te baissas sur un genou,
Si je n’avois esté des hommes le plus sage,
J’en aurois esté le plus fou.Se mocque qui voudra, je dis lors en moy-mesme :
» Le bon Dieu me veuille garder » ;
Et si j’eusse eu des mains, à tes pieds, triste et blesme,
Ma foy, je m’allois poignarder.Ton visage est divin et ta taille est divine,
Enfin tout ton corps est divin,
Et, si l’on doit juger de l’esprit par la mine,
Tu dois en avoir du plus fin.Tous tes tresors cachez, tous tes tresors visibles
Sont dignes des desirs d’un Roy,
Et les grands de la Cour seront des insensibles
S’ils ne courrent les champs pour toy.Princes, Marquis et Ducs, si l’Infante du LUDE,
Que vous adorez à genoux,
Pour vostre grand mal-heur se mesle d’estre rude,
Mon Dieu, que sera-ce de vous ?Ses yeux feront bien pis que les duels en France,
Et quiconque les pocheroit
Pour affoiblir un peu leur trop grande puissance,
Peut-estre vous obligeroit.Tous aymables qu’ils sont, vous en mourrez sans doute :
Pas un de vous n’eschappera.
Ô ! trois fois bien-heureux ceux qui ne verront goute
Tant que leur regne durera !Mais, puisque vostre mort est un mal necessaire
Et que c’est un arrest donné,
Choisissez une mort qui ne soit point vulgaire,
Digne d’un amour raffiné.Si vous vouliez un jour vous pendre à la fenestre,
Quoy qu’on n’en use plus ainsi,
Que sçait-on ? ses beaux yeux vous pleureroient peut-estre,
Et vous auriez bien reüssi.Pendez vous donc bien viste, afin qu’elle vous pleure,
Et de sa part je vous promets,
Si vous estes pendus seulement pour une heure,
Que vous le serez pour jamais.Au reste, en vous pendant témoignez du courage
Faites la chose avec honneur,
Sans gambiller des pieds ou changer de visage
Comme font les hommes sans coeur.Quant à moy, si j’estois seulement bon à pendre,
Je n’aurois pas tant attendu ;
Mais je ne fus jamais assez vain pour pretendre
A l’honneur d’estre un beau pendu.Ô bel Ange, pour qui toute la Cour soupire,
Dont j’ay grande compassion,
A six-vingts ans d’icy puissé-je encore escrire
Des vers à ton intention.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Paul SCARRON
Paul Scarron est un poète et écrivain français contemporain de Louis XIII né le 4 juillet 1610 à Paris, mort le 6 octobre 1660 à Paris. Issu de la noblesse de robe, septième enfant de Paul Scarron, conseiller au Parlement de Paris à la cour de comptes, et de Gabrielle Goguet, il entre dans les ordres en 1629. Il vit au Mans de... [Lire la suite]
- Réflexion sérieuse de Mr S sur les murs de...
- Chanson : Vous m'avez demandé...
- Mascarade de la Foire S. Germain
- A Monsieur le Duc de Sully
- Chanson : Philis me traitte avec rigueur...
- Ouy, c'est un Pedant, c'est un sot
- Chanson : Quand je vous dis que vos yeux...
- Chanson : C'estoit assés de vos yeux...
- Chanson : Ingratte, je n'ayme que toy...
- Chanson : Helas ! elle s'en va...
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire