À Lydie
(Imitation d’Alcée, poète grec)
Lydie, es-tu sincère ? Excuse mes alarmes :
Tu t’embellis en accroissant mes feux ;
Et le même moment qui t’apporte des charmes
Ride mon front et blanchit mes cheveux.Au matin de tes ans, de la foule chérie,
Tout est pour toi joie, espérance, amour ;
Et moi, vieux voyageur, sur ta route fleurie
Je marche seul et vois finir le jour.Ainsi qu’un doux rayon quand ton regard humide
Pénètre au fond de mon cœur ranimé,
J’ose à peine effleurer d’une lèvre timide
De ton beau front le voile parfumé.Tout à la fois honteux et fier de ton caprice,
Sans croire en toi, je m’en laisse enivrer.
J’adore tes attraits, mais je me rends justice :
Je sens l’amour et ne puis l’inspirer.Par quel enchantement ai-je pu te séduire ?
N’aurais-tu point dans mon dernier soleil
Cherché l’astre de feu qui sur moi semblait luire
Quand de Sapho je chantais le réveil ?Je n’ai point le talent qu’on encense au Parnasse.
Eussé-je un temple au sommet d’Hélicon,
Le talent ne rend point ce que le temps efface ;
La gloire, hélas ! ne rajeunit qu’un nom.Le Guerrier de Samos, le Berger d’Aphélie,
Mes fils ingrats, m’ont-ils ravi ta foi ?
Ton admiration me blesse et m’humilie :
Le croirais-tu ? je suis jaloux de moi.Que m’importe de vivre au delà de ma vie ?
Qu’importe un nom par la mort publié ?
Pour moi-même un moment aime-moi, ma Lydie,
Et que je sois à jamais oublié !
Londres, 1797.
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François-René de CHATEAUBRIAND
François-Auguste-René, vicomte de Chateaubriand, né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris le 4 juillet 1848, est un écrivain romantique et homme politique français. Il est considéré comme l’une des figures centrales du romantisme français. Si le rôle politique de Chateaubriand dans la mouvance royaliste au... [Lire la suite]
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