À Louis Pasteur
O toi dont la science et le constant effort
Ont si souvent vaincu la douleur et la mort,
O cerveau puissant et fertile,
De l’univers qui souffre obstiné bienfaiteur,
Pardonne si ma voix interrompt, ô Pasteur,
Un instant ton travail utile !Le genre humain te paye un tribut mérité.
Pris dans un grand courant de générosité
Que tout le monde a voulu suivre,
Pour assurer ton oeuvre et fonder ton trésor,
Le riche est accouru, les deux mains pleines d’or,
Le pauvre avec ses sous de cuivre.Les savants ― tu souris de quelques envieux ―
T’ont placé dans la gloire, et, voyant dans tes yeux
Briller l’étincelle divine,
Ils t’ont salué tous comme un maître, et les rois,
Honorant ce jour-là leurs ordres et leurs croix,
Les ont placés sur ta poitrine.Je t’apporte une offrande à mon tour. Presque rien.
Elle va te remplir pourtant, je le sais bien,
D’une gratitude infinie.
Avant de t’envoyer quelques louis offerts,
De pauvres artisans m’ont demandé des vers
Pour mieux honorer ton génie.Cent cinquante ouvriers, hélas ! vivant de peu,
Des verriers, serviteurs de ce vieil art du feu
Qu’exerçaient les nobles naguère,
Ont eu, nobles de coeur, un généreux souci,
Et se sont cotisés pour t’offrir, eux aussi,
L’humble cadeau de la misère.Pour eux ce fut un jour de joie. On se fit beau ;
L’atelier plein de fleurs et paré d’un drapeau
Vit une fête plébéienne.
Sûr d’avoir fait du bien, on s’est mieux amusé ;
Les vieux ont bu leur coup, les jeunes ont dansé.
Et des chansons ! Chacun la sienne !Applaudissant ton nom sans cesse répété,
Savant, ils ont levé leur verre à ta santé,
Pleins d’admiration profonde.
Puis un petit enfant ou quelque vieux souffleur,
Assiette en main, disant : « Pour l’Institut Pasteur, »
A fait la collecte à la ronde.Enfin ― c’est un désir délicat et touchant ―
Ces braves ouvriers ont voulu que l’argent
Produit de leur modeste quête,
L’argent qui, j’en suis sûr, va te porter bonheur,
Oui, cet argent sacré de travail et d’honneur,
Te fût offert par un poète.Ils m’ont choisi. Pourquoi ? Je suis bien trop heureux,
Si mon livre, parfois lu par quelqu’un d’entre eux,
Les attendrit et les console ! ―
Mais j’ai senti mes yeux tout à coup se mouiller,
Et j’ai bien vite écrit ces vers sur ce papier
Pour envelopper leur obole.Oh ! ces vers ! Je voudrais qu’ils fussent bien meilleurs.
Mais enfin, ils les ont, ces pauvres travailleurs ;
A présent leur joie est complète.
Ils ont le compliment rimé qui leur manquait
Et peuvent te l’offrir, Pasteur, comme un bouquet
Au patron, le jour de sa fête.
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François Édouard Joachim Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris où il est mort le 23 mai 1908, est un poète, dramaturge et romancier français. Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles. Poète du souvenir d’une première rencontre... [Lire la suite]
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