À la mémoire de J.-N. Bienvenu
Ta tombe est maintenant morose et solitaire,
Ô Bienvenu, modeste ouvrier du devoir.
Et, seul, tu sens la neige et les frimas pleuvoir
Sur la terre où tu dors au fond du grand mystère.Pourtant nul ne t’oublie, ô patriote austère,
Indomptable frondeur des abus du pouvoir ;
Et, devant ceux du jour, on s’étonne de voir
Ta plume se rouiller et ta bouche se taire.Mais ta tâche est finie, ami, repose en paix
Sous les ombrages lourds et les gazons épais
Qui bientôt renaîtront au cimetière agreste.Ne t’inquiète plus des luttes d’ici-bas :
Nous te succèderons dans les mêmes combats ;
Car, si tu n’es plus là, ton exemple nous reste !
(1885)
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Louis-Honoré FRÉCHETTE
Louis-Honoré Fréchette (16 novembre 1839 – 31 mai 1908), poète, dramaturge, écrivain et homme politique, est né à St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy (Lévis), Québec, Canada. Bien que son père, entrepreneur, soit analphabète, il étudie sous la tutelle des Frères des écoles chrétiennes. De 1854 à 1860, il fait ses études... [Lire la suite]
Hibou transatlantique
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Si ton navire croise un hibou solitaire
Porteur d'un grand épi, prends garde : il va pleuvoir
Et le vent va tourner. Il est bon de savoir,
Quand on est capitaine, un peu de ces mystères.
Adresse une parole au volatile austère
Qui pourrait t'être utile, avec ses grands pouvoirs :
Bien des choses des mers, son oeil rond peut les voir,
Sur lesquelles, souvent, il s'obstine à se taire.
Donne-lui de la viande,en symbole de paix ;
Ne crains pas de couper des morceaux bien épais,
Sois sûr que le rapace appréciera ce geste.
Et puis, reprends ton cap vers l'horizon lointain,
Soulagé d'avoir vu ce présage incertain :
De tous les sorts de mer, ce n'est le plus funeste.
Sérénité du coeur
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En mon coeur est faible mémoire,
Au monde je suis étranger ;
Mon jardin n’est que terre noire
Et mon bagage est bien léger.
Mon destin n’est pas une histoire,
Mes plaisirs furent passagers ;
D’écrire et de lire et de boire,
Est-ce un temps bien aménagé ?
Ce coeur que le mal abandonne
Aux fantômes d’antan pardonne ;
C’est évident qu’il le devait.
Il se nourrit de quelques rêves
Et de sérénité, sans trêve,
Vieillir, ce n’est pas si mauvais.
Une mémoire d'oiseau
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Je songe qu'autrefois je vivais solitaire,
Mais cela ne dura que pour quelques saisons ;
En rêve je revois ma modeste maison,
Je débutais alors comme universitaire.
La vie était pour porteuse de mystères,
Car je ne voyais pas plus loin que l'horizon ;
Mes recherches n'avaient ni rime ni raison,
Je parlais trop souvent quand j'aurais dû me taire.
J'ignorais à peu près les lois de l'univers,
Je m'instruisais pourtant sur des thèmes divers,
Confondant le Réel avec le Symbolique.
Mais ça fait un moment que je ne suis plus seul,
La trame de mes jours est moins mélancolique ;
Le passé révolu s'endort dans son linceul.