À l’envers de ma porte
Ma peur bleue, ma groseille,
L’amour est une abeille
Qui me mange le cœur
Et bourdonne à ma bouche
Que tu nourris et touches
Des baisers du malheur.Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille,
Ne viendras-tu jamais
À l’envers de ma porte ?
Es-tu de cette sorte
Ange sourd et muet ?Tes mains sans teint, polies
Au jeu de tes folies,
Se mouillent à mes yeux
Et tu ris de ces fleuves
Où naviguent mes vœux
Parmi tes robes neuves.Ne me donneras-tu
Que ton chapeau pointu
À porter ma sorcière,
Et nul autre baiser
Que ces nids de danger
Et ces ruches entières ?Ne me permets-tu pas
De t’enlever tes bas
À l’envers de ma porte ?
Je veux voir tes pieds nus
Et les abeilles mortes
Du bonheur revenu.Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille
Posée sur mes désirs,
Ma chambre est grande ouverte
Que coupe l’allée verte
Par où tu dois venir.Ma peur bleue, ma groseille,
Viens à fleur de mes veilles
Et que tombe le jour
À l’envers de ma porte.
Et que le vent emporte
Le chemin du retour
1939
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Louise de VILMORIN
Louise Levêque de Vilmorin, dite Louise de Vilmorin, est une écrivaine française née le 4 avril 1902 à Verrières-le-Buisson (Essonne) où elle est morte le 26 décembre 1969. Née dans le château familial d’une célèbre famille de botanistes et grainetiers, elle se fiance en 1923 à Antoine de Saint-Exupéry mais épouse... [Lire la suite]
Le vent aime toucher des feuilles,
Qu’elles soient d’orme ou de bouleau;
Il lui suffit que l’arbre veuille
De l’amour qu’il déverse à flots.
*
Le vent est déjà marié
Chez lui à un beau pâturage,
Mais ses plaisirs veut varier
Avant d’atteindre le grand âge.
*
L’arbre souvent adore ça,
Qu’on vienne lui chanter chansons,
Et longtemps du vent qui passa
Se remémore le frisson.
*
C’est d’ennui que le vent soupire
Aux branches de bois frémissant,
Et quelques jours plus tard, c’est pire,
Ils sont tous les deux languissants.
*
S’il ne tenait à ses racines,
L’arbre serait parti ailleurs;
Et cet ennui qui l’assassine
Lui fait dire des mots railleurs.
*
Alors le vent, plein de colère,
Couche cet arbre brusquement:
Ce qui a cessé de nous plaire
Cause notre ressentiment.
*
Un arbre à terre, d’autres restent
Qui désirent un coup de vent,
Qui pas encore ne détestent
Ces caresses d’un bon vivant.
*
Prenez garde, arbres qui se bercent
Au souffle du vent amoureux…
Vous tomberez à la renverse
Et vous en serez malheureux.
Parfois la tourmente et la bourrasque
Viennent enivrer le rêve fantasque _
Parfois le vent amoureux
Rend aussi heureux -