A Fanny malade
Quelquefois un souffle rapide
Obscurcit un moment sous sa vapeur humide
L’or, qui reprend soudain sa brillante couleur :
Ainsi du Sirius, ô jeune bien-aimée,
Un moment l’haleine enflammée
De ta beauté vermeille a fatigué la fleur.De quel tendre et léger nuage
Un peu de pâleur douce, épars sur ton visage,
Enveloppa tes traits calmes et languissants !
Quel regard, quel sourire, à peine sur ta couche
Entrouvraient tes yeux et ta bouche !
Et que de miel coulait de tes faibles accents !Oh ! qu’une belle est plus à craindre
Alors qu’elle gémit, alors qu’on peut la plaindre,
Qu’on s’alarme pour elle ! Ah ! s’il était des coeurs,
Fanny, que ton éclat eût trouvés insensibles,
Ils ne resteraient point paisibles
Près de ton front voilé de ces douces langueurs.Oui, quoique meilleure et plus belle,
Toi-même cependant tu n’es qu’une mortelle ;
Je le vois. Mais, du ciel, toi, l’orgueil et l’amour,
Tes beaux ans sont sacrés. Ton âme et ton visage
Sont des dieux la divine image ;
Et le ciel s’applaudit de t’avoir mise au jour.Le ciel t’a vue en tes prairies
Oublier tes loisirs, tes lentes rêveries ;
Et tes dons et tes soins chercher les malheureux ;
Tes délicates mains à leurs lèvres amères
Présenter des sucs salutaires,
Ou presser d’un lin pur leurs membres douloureux.Souffrances que je leur envie !
Qu’ils eurent de bonheur de trembler pour leur vie,
Puisqu’ils virent sur eux tes regrets caressants,
Et leur toit rayonner de ta douce présence,
Et la bonté, la complaisance,
Attendrir tes discours, plus chers que tes présents !Près de leur lit, dans leur chaumière,
Ils crurent voir descendre un ange de lumière,
Qui des ombres de mort dégageait leur flambeau ;
Leurs coeurs étaient émus, comme, aux yeux de la Grèce,
La victime qu’une déesse
Vint ravir à l’Aulide, à Calchas, au tombeau.Ah ! si des douleurs étrangères
D’une larme si noble humectent tes paupières
Et te font des destins accuser la rigueur,
Ceux qui souffrent pour toi, tu les plaindras peut-être ;
Et des douleurs que tu fais naître
Ont-elles moins le droit d’intéresser ton cœur ?Troie, antique honneur de l’Asie,
Vit le prince expirant des guerriers de Mysie
D’un vainqueur généreux éprouver les bienfaits.
D’Achille désarmé la main amie et sûre
Toucha sa mortelle blessure,
Et soulagea les maux qu’elle-même avait faits.A tous les instants rappelée,
Ta vue apaise ainsi l’âme qu’elle a troublée.
Fanny, pour moi ta vue est la clarté des cieux ;
Vivre est te regarder, et t’aimer, te le dire ;
Et quand tu daignes me sourire,
Le lit de Vénus même est sans prix à mes yeux.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
André CHÉNIER
André Marie de Chénier, dit André Chénier, né le 30 octobre 1762 à Constantinople et mort guillotiné le 25 juillet 1794 à Paris, est un poète français. Il était le fils de Louis de Chénier. Né à Galata (Constantinople) d’une mère grecque (Elisabeth Lomaca) et d’un père français, Chénier passe quelques années à... [Lire la suite]
- Euphrosyne (3)
- Aux frères de Pange (3)
- Sur la mort d'un enfant (2)
- Oh ! puisse le ciseau qui doit trancher mes... (2)
- La jeune Locrienne (2)
- L'amour endormi (2)
- Il n'est donc plus d'espoir, et ma plainte... (2)
- Fille du vieux pasteur, qui d'une main agile (2)
- Voilà ce que chantait aux Naïades... (1)
- Ô délices d'amour ! et toi, molle paresse (1)
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire