À celui-là
À celui-là qui parvient jusqu’ici malgré les détours et les faux pas ; au compagnon qui me livre ses yeux, — que livrer en échange de ce compagnonnage ?
Non pas le dévouement : le Prince est là : je suis tout entier pour le Prince. La servitude glorieuse pèse sur chacun de mes gestes comme le sceau sur l’acte impérial et le tribut.
Non pas ma tendresse et de faibles émois : sachez qu’elle les garde et boit jalousement toutes les fraîches gouttes écloses de mon âme.
Non pas enfin l’ardeur d’une mort filiale : cela ne m’appartient pas car le père de mes jours est vivant.
o
A celui qui me dévisage et m’observe amicalement ; à celui comme une caverne et qui retentit mon aboi,
Je propose ma vie singulière : seule ma vie est à moi. — Qu’il vienne plus avant. Qu’il écoute plus profondément :
Là même où ni père ni amante ni le Prince lui-même ne pourront accéder jamais.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Aux tavernières
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Caroline et Leïla, derrière un vieux comptoir,
Incarnant la patience au fil de tous ces soirs,
J'ai voulu que vos noms figurent en ce livre
(Et vous me répondrez que ma plume est donc ivre).
Qu'elle le soit ou non, je vous célèbre ici :
Qui aime Valentin aime Bacchus, aussi,
Et même Gambrinus pour ce qui me concerne,
Ce dieu qui, chaque jour, louange vous décerne.
Leïla et Caroline, au nom des commensaux
Qui aux bonnes boissons chez vous donnent l'assaut,
Je déclare ceci, dans mes modestes rimes :
La taverne est pour nous le jardin de l'intime.