A Alphonse Lemerre
Il est bon d’honorer les poëtes, Lemerre,
Car la Muse aux beaux yeux vers la clarté les suit,
Tandis qu’oubliant l’heure et le temps qui s’enfuit,
La folle Humanité caresse une Chimère.Quand le muet Oubli nous tend sa coupe amère,
Leur voix seule persiste et n’est pas un vain bruit;
Achille ne serait qu’un spectre de la nuit
S’il ne revivait pas dans la chanson d’Homère.Sage artiste, en dépit des frivoles rumeurs,
Tu veux fêter encor chez les derniers rimeurs
Le don mystérieux des vers et la Métrique;Mais ton nom durera plus fort que le hasard,
Car tu resteras cher à la Muse lyrique
Pour avoir ravivé le laurier de Ronsard.Mercredi 31 mars 1875.
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Théodore de BANVILLE
Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du... [Lire la suite]
Des mots sur du sable
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Une oeuvre poétique est souvent éphémère,
Et bientôt clairsemée la foule qui la suit.
Comme vers les lointains, l'hirondelle s'enfuit ;
Comme, vers nulle part, s'éloigne la chimère.
Mots tracés sur du sable : il y vient l'onde amère
Sous laquelle leurs traits disparaissent, sans bruit,
Et la plage déserte admire, dans la nuit,
L'étoile que déjà chantait le vieil Homère.
Mais qu'importe des flots le calme ou la rumeur :
Ce n'est point pour durer que chante le rimeur,
C'est juste pour sentir que le monde est magique.
Que de fois, choisissant un poème au hasard,
Je me suis accordé ce plaisir nostalgique
De répondre à Banville, à Laforgue, à Ronsard !
Un oiseau d’Héraldie
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Un oiseau d’Héraldie allait chercher fortune ;
Son bec, me semble-t-il, fut moins dur que l’acier,
Il n’avait pas non plus un coeur de justicier,
Ni des heures de vol pour affronter Neptune.
Mais sa vertu était toute belle et toute une,
N’ayant rien à cirer des aspects financiers,
Sans crainte du démon, sans crainte des sorciers,
Sans redouter non plus la vieillesse importune.
Il ne jalouse pas ceux de la basse-cour,
Car comment envier la volaille qui court ?
Il est sobre, c’est vrai, mais il n’est pas austère.
Il ne craint pas la mort, il vit dans le présent,
Il est accommodant sans être complaisant ;
Fréquenter cet oiseau, c’est chose salutaire.