26 – Facile a deçevoir qui s’asseure
CCXXXII [=CCXXII] .
Plus tost vaincu, plus tost victorieux
En face allegre, & en chere blesmie:
Or sans estime, & ore glorieux
Par toy mercy, ma cruelle ennemie,
Qui la me rendz au besoing endormye,
Laissant sur moy maintz martyres pleuvoir.
Pourquoy veulx tu le fruict d’attente avoir,
Faingnant ma paix estre entre ses mains seure?
Las celluy est facile a decevoir,
Qui sur aultruy credulement s’asseure.CCXXXIII [=CCXXIII] .
Phebus doroit les cornes du Thoreau,
Continuant son naturel office:
L’air temperé, & en son serain beau
Me convyoit au salubre exercite.
Parquoy pensif, selon mon nayf vice.
M’esbatois seul, quand celle me vint contre,
Qui devant moy si soubdain se demonstre,
Que par un brief, & doulx salut de l’oeil,
Je me deffis a si belle rencontre,
Comme rousée au lever du Soleil.CCXXXIIII [=CCXXIIII] .
Novelle amour, novelle affection,
Novelles fleurs parmy l’herbe novelle:
Et, jà passée, encor se renovelle
Ma Primevere en sa verte action.
Ce neantmoins la renovation
De mon vieulx mal, & ulcere ancienne
Me detient tout en celle saison sienne,
Ou le meurdrier m’à meurdry, & noircy
Le Coeur si fort, que playe Egyptienne,
Et tout tourment me rend plus endurcy.CCXXXV [=CCXXV] .
Libre je vois, & retourne libere
Tout Asseuré, comme Cerf en campaigne,
Selon qu’Amour avec moy delibere,
Mesmes qu’il veoit, que Vertu m’acompaigne,
Vertu heureuse, & fidele compaigne,
Qui tellement me tient tout en saisine,
Que quand la doubte, ou la paour sa voisine,
M’accuse en rien, mon innocence jure,
Que souspeçon n’à aulcune racine
Là, ou le vray conteste a toute injure.CCXXXVI [=CCXXVI] .
Je le conçoy en mon entendement
Plus, que par l’oeil comprendre je ne puis
Le parfaict d’elle, ou mon contentement
A sceu fonder le fort de ses appuyz:
Dessus lequel je me pourmaine, & puis
Je tremble tout de doubte combatu.
Si je m’en tais, comme je m’en suis teu,
Qui oncques n’euz de luy fruition,
C’est pour monstrer que ne veulx sa vertu
Mettre en dispute a la suspition.CCXXXVII [=CCXXVII] .
Pour m’efforcer a degluer les yeulx
De ma pensée enracinez en elle,
Je m’en veulx taire, & lors j’y pense mieulx,
Qui juge en moy ma peine estre eternelle.
Parquoy ma plume au bas vol de son aele.
Se demettra de plus en raisonner,
Aussi pour plus haultement resonner,
Vueille le Temps, vueille la Fame, ou non,
Sa grace asses, sans moy, luy peult donner
Corps a ses faictz, & Ame a son hault nom.CCXXXVIII [=CCXXVIII] .
Tout en esprit ravy sur la beaulté
De nostre Siecle & honneur, & merveille.
Celant en soy la doulce cruaulte,
Qui en mon mal si plaisamment m’esveille,
Je songe & voy: & voyant m’esmerveille
De ses doulx ryz, & elegantes moeurs.
Les admirant si doulcement je meurs,
Que plus profond a y penser je r’entre:
Et y pensant, mes silentes clameurs
Se font ouyr & des Cieulx, & du Centre.CCXXXIX [=CCXXIX] .
Dens son poly te tien Cristal opaque,
Luisant, & cler, par opposition
Te reçoit toute, & puis son lustre vacque
A te monstrer en sa reflexion.
Tu y peulx veoir (sans leur parfection)
Tes mouvementz, ta couleur, & ta forme.
Mais ta vertu aux Graces non diforme
Te rend en moy si representative,
Et en mon coeur si bien a toy conforme
Que plus, que moy, tu t’y trouverois vive.CCXL [=CCXXX] .
Quand je te vy orner ton chef doré,
Au cler miroir mirant plus clere face,
Il fut de toy si fort enamouré,
Qu’en se plaingnant il te dit a voix basse:
Destourne ailleurs tes yeux, ô l’oultrepasse.
Pourquoy? Dis tu, tremblant d’un ardent zele.
Pource, respond, que ton oeil, Damoiselle,
Et ce divin, & immortel visage
Non seulement les hommes brule, & gele:
Mais moy aussi, ou est ta propre image.
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