01 – L’Oeil trop ardent en mes jeunes erreurs… (sans emblème)
I.
L’Oeil trop ardent en mes jeunes erreurs
Girouettoit, mal cault, a l’impourveue:
Voicy (ô paour d’agreables terreurs)
Mon Basilisque avec sa poingnant’ veue
Perçant Corps, Coeur, & Raison despourveue,
Vint penetrer en l’Ame de mon Ame.
Grand fut le coup, qui sans tranchante lame
Fait, que vivant le Corps, l’Esprit desvie,
Piteuse hostie au conspect de toy, Dame,
Constituée Idole de ma vie.II.
Le Naturant par ses haultes Idées
Rendit de soy la Nature admirable.
Par les vertus de sa vertu guidées
S’esvertua en oeuvre esmerveillable.
Car de tout bien, voyre es Dieux desirable,
Parfeit un corps en sa parfection,
Mouvant aux Cieulx telle admiration,
Qu’au premier oeil mon ame l’adora,
Comme de tous la delectation,
Et de moy seul fatale Pandora.III.
Ton doulx venin, grace tienne, me fit
Idolatrer en ta divine image
Dont l’oeil credule ignoramment meffit
Pour non preveoir a mon futur dommage.
Car te immolant ce mien coeur pour hommage
Sacrifia avec l’Ame la vie.
Doncques tu fus, ô liberté ravie,
Donnée en proye a toute ingratitude:
Doncques espere avec deceue envie
Aux bas Enfers trouver beatitude.IIII.
Voulant tirer le hault ciel Empirée
De soy a soy grand’ satisfaction,
Des neuf Cieulx à l’influence empirée
Pour clorre en toy leur operation,
Ou se parfeit ta decoration:
Non toutesfoys sans licence des Graces,
Qui en tes moeurs affigent tant leurs faces,
Que quand je vien a odorer les fleurs
De tous tes faictz, certes, quoy que tu faces,
Je me dissoulz en joyes, & en pleurs.V.
Ma Dame ayant l’arc d’Amour en son poing
Tiroit a moy, pour a soy m’attirer:
Mais je gaignay aux piedz, & de si loing,
Qu’elle ne sceut oncques droit me tirer.
Dont me voyant sain, & sauf retirer,
Sans avoir faict a mon corps quelque bresche:
Tourne, dit elle, a moy, & te despesche.
Fuys tu mon arc, ou puissance, qu’il aye?
Je ne fuys point, dy je, l’arc, ne la flesche:
Mais l’oeil, qui feit a mon coeur si grand’ playe.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Maurice SCÈVE
Maurice Scève, né vers 1501 à Lyon et mort vers 1564, est un poète français. Il est l’auteur de « Délie, objet de plus haute vertu ». Maurice Scève est le chef de file de ce qu’il a été longtemps convenu d’appeler l’« École lyonnaise », même si aucun manifeste, aucune publication... [Lire la suite]
- 44 - A mon labeur jour et nuict veille
- 34 - La prison m'est dure encor plus liberté
- 42 - Cele en aultruy ce qu'en moy je...
- 39 - A seurte va qui son faict cele
- 49 - Plus se hante moins s'apprivoyse
- 20 - Fortunes par les miens chasse
- 36 - Fuyant peine travail me suyt
- 30 - Force peu a peu me mine
- 33 - Double peine a qui pour aultruy se lasse
- 29 - Mon travail donne a deux gloire
J'ai 103 ans, Il manque d'informations